Sarkozy, président le plus retoqué

 

En proposant la déchéance de nationalité pour les Français «d’origine étrangère» ayant porté atteinte à la vie de policiers ou de gendarmes, Nicolas Sarkozy sait qu’une telle loi ne pourra qu’être invalidée par le Conseil constitutionnel. Mais peu lui importe : il lui suffit d’annoncer. La longue liste des lois retoquées depuis son élection le prouve.

clip_image001

 

 

L’ancien garde des Sceaux et ancien président du Conseil constitutionnel Robert Badinter, comme le constitutionnaliste Guy Carcassonne, l’ont tous deux rappelé ce matin : une loi instaurant la déchéance de nationalité pour les Français d’origine étrangère reconnus coupables d’avoir porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique, comme l’a annoncé Nicolas Sarkozy à Grenoble le 30 juillet dernier, ne pourrait être que retoquée par le Conseil constitutionnel. En effet, elle entrerait en contradiction avec l’article 1er de la Constitution qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Cela semble tellement évident qu’il est impossible que le président de la République — qui en tant qu’avocat a fait un peu de droit constit’ pendant ses études — ou à tout le moins l’un de ses conseillers, ne s’en soit pas aperçu avant de prononcer son discours de Grenoble. Alors quoi ? Une fois de plus, Nicolas Sarkozy joue sur l’effet d’annonce. Et peu lui importe que l’annonce ne puisse pas être suivie d’effet : les mots pour le dire remplacent les moyens pour le faire.

C’est particulièrement flagrant lorsqu’on regarde la liste des projets de loi annoncés tambour battant par Nicolas Sarkozy, et finalement retoqués par le Conseil constitutionnel.

Ainsi de la promesse de campagne la plus emblématique du candidat Sarkozy — la déduction fiscale rétroactive des intérêts d’emprunts immobiliers : dès le 16 août 2007, les Sages la jugeaient anticonstitutionnelle, la rétroactivité entraînant « une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables ».

Quelques mois plus tard, le 15 novembre 2007, au terme d’une discussion fleuve à l’Assemblée nationale, une partie de la loi Hortefeux sur l’immigration est finalement invalidée par le Conseil : les juges constitutionnels rejettent l’amendement sur les statistiques ethniques, et réduisent la portée des dispositions sur les tests ADN.

En février 2008, la loi Dati sur la rétention de sûreté — qui permettait d’enfermer dans des centres spéciaux des criminels ayant purgé leur peine de prison, mais déclarés toujours dangereux par des experts — est à son tour amputée : elle ne pourra pas s’appliquer pleinement de façon rétroactive, ce qui diffère son application réelle de plusieurs années.

C’en est trop pour Nicolas Sarkozy, qui demande alors au premier président de la Cour de Cassation, Vincent Lamanda, d’«examiner la situation née de la décision du Conseil Constitutionnel » et de faire « toutes propositions utiles d’adaptation de notre droit ». Une tentative de contournement qui déclenche une levée de boucliers dans toute la magistrature.

Mars 2008. Plusieurs articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sont censurés par les Sages : notamment le texte qui prévoyait la suppression progressive du régime de sur-pensions des fonctionnaires retraités dans certains départements et territoires d’outre-mer.

10 juin 2009 : la loi Hadopi est, pour l’essentiel, retoquée par le Conseil. Ainsi, la mesure phare, la riposte graduée, est-elle invalidée :l’abonnement internet ne pourra pas être suspendu automatiquement au terme d’une série d’avertissements comme le prévoyait le projet. Seul un juge est habilité à prononcer pareille sanction.

6 août 2009 : le Conseil constitutionnel censure la partie de la loi sur le travail dominical accordant un statut particulier à Paris. Motif : elle privait le maire de la capitale du pouvoir, dévolu aux maires d’autres communes, de proposer des extensions d’ouvertures.

29 décembre 2009 : la loi sur la taxe carbone, annoncée avec tambour et trompettes trois mois plus tôt, est annulée par les Sages deux jour avant son entrée en vigueur prévue pour le 1er janvier 2010.

Février 2010 : Nicolas Sarkozy nomme Michel Charasse au Conseil constitutionnel. Une décision présentée comme un nouveau signe d’ouverture. En réalité, Charasse, exclu du PS en 2008, est un fidèle sur lequel Nicolas Sarkozy sait pouvoir compter.

Cela ne suffit apparemment pas : saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel vient de déclarer le dispositif ordinaire des gardes à vue contraire à la Constitution !

Un autre aurait fini par ne plus s’y risquer. Pas Nicolas Sarkozy qui, au contraire, a choisi d’aller plus loin en proposant une loi ouvertement en contradiction avec la Constitution. Une preuve de plus que le président est un homme de moment, de gesticulation, de verbiage. Mais pas d’action.

sarko258a

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*