Chevènement : «Pour 2012, je n’exclus rien»

  • Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien / Aujourd’hui en France, samedi 26 juin 2010.

h-3-1071830 A nouveau en froid avec le PS, Jean-Pierre Chevènement pourrait être candidat à l’élection présidentielle en 2012.

 

 

 

 

  • Quel est le principal enjeu du congrès de votre mouvement ce week-end ? 

Nous allons actualiser notre ligne politique dans la perspective de la présidentielle. Notre souci est de faire bouger les lignes pour faire apparaître les véritables problèmes : la crise du capitalisme financier et celle de l’euro mettent l’Europe et la France en position d’extrême faiblesse face aux Etats-Unis et à la Chine. Dans ces conditions, comment rendre un avenir à notre pays ? C’est la question principale.

  • Votre candidature à la présidentielle de 2012 est-elle possible?

Je ne veux rien exclure. Un candidat républicain doit s’affirmer pour mettre la France à la hauteur des défis qu’elle a à relever. La ligne sociale-libérale suivie par le PS ne correspond pas à la situation actuelle. Le PS reste prisonnier d’une vision de l’Europe dépassée. La monnaie unique était un échec prévisible depuis Maastricht. Le concours de plans de rigueur mis en œuvre simultanément dans toute l’Europe est insupportable pour les peuples.

  • Le directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn pourrait-il être le candidat de la gauche?

Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry ont soutenu depuis l8 ans la politique conçue à Maastricht. Ils se sont gravement trompés. Doit-on confier à ceux qui se sont fourvoyés le soin de proposer des remèdes? En 2007 vous disiez être favorable à des primaires de la gauche…Mais le PS lui-même a contribué à vider les primaires de leur signification ! Nous avons le pacte de Marrakech qui lie Martine Aubry et Dominique Strauss-Khan. Et voilà maintenant le pacte du boulevard Raspail qui les unit tous deux à Ségolène Royal. Qui arbitrera ? Les sondages ! Ce n’est pas notre conception du débat. D’autant que, pour l’instant, nous ne partageons pas un projet commun.

  • En quoi feriez-vous la différence ?

Nous aurions l’énergie républicaine de défendre les intérêts de la France en proie à la désindustrialisation et au chômage. Nous ne laisserions pas, par exemple, notre pays confiné dans une petite zone euro avec une monnaie tellement forte qu’elle ferait disparaitre ce qui nous reste d’industrie.

  • Travaillez-vous en confiance aujourd’hui avec le PS ?

Le PS a manqué aux engagements pris à notre égard. C’est ce qui s’est passé lors des élections régionales. Alors chat échaudé craint l’eau froide…

  • Vous aurez 73 ans en 2012…

Il faut de l’expérience pour affronter la tempête. Et je n’aperçois pas pour le moment de grandes capacités d’hommes d’Etat à l’horizon.

 

Source : Entretien au Parisien / Aujourd’hui en France

 

 

Dernière minute

 

  • Entretien au Journal du dimanche : Chevènement: « Rompre avec la dictature de l’argent »

la veille du congrès national du MRC (Mouvement républicain et citoyen), son président, Jean-Pierre Chevènement, en détaille les enjeux au JDD.fr. Pourfendeur de la « dictature de l’argent », l’ancien ministre de l’Intérieur veut replacer l’emploi au centre des priorités politiques. En rupture avec la logique « sociale-libérale » du PS, le « Che » confirme également la présence d’un candidat « républicain » à l’élection présidentielle de 2012.

 

Le Mouvement républicain et citoyen (MRC) que vous présidez tient congrès ce week-end. Quels en sont les enjeux?

 

Jean-Pierre Chevènement :

Notre congrès se situe clairement dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012. Nous voulons faire bouger les lignes, c’est-à-dire nous emparer des problèmes de fond : le capitalisme financier est en crise, la monnaie unique européenne est un échec évident. Et nous ne pouvons pas demander à ceux qui nous ont fourvoyés de nous offrir des remèdes.

Qui visez-vous?

Je vise tous ceux qui, solidairement et depuis des années, ont porté le projet de monnaie unique. Or, c’était un pari fou de transférer la souveraineté monétaire sans tenir compte de l’irréductible diversité des nations européennes.

Ce week-end vous présenterez un « programme de salut public ». Quel en est l’esprit?

Nous faisons d’abord une analyse de l’Europe face à ce que l’on appelle la « Chinamérique ». Nous voulons une autre Europe, une Europe des peuples, avec les nations – et non contre elles – une grande Europe allant jusqu’à la Russie et ouverte sur la Méditerranée et sur l’Afrique. Nous voulons aussi rassembler les Français autour d’un projet pour le pays, axé autour d’un nouveau modèle de développement. L’enjeu majeur est de ne pas laisser la France enfermée dans une zone euro réduite à quelques pays, avec une monnaie à ce point surévaluée qu’elle entraînerait la fin de l’industrie nationale. Il faut enfin cesser d’emboîter systématiquement le pas de Mme Merkel, qui impose aujourd’hui à l’Europe un concours de plans de rigueur massifs et simultanés. La catastrophe sociale est au bout.

Au niveau national, vous avez qualifié de « simulacre » le projet de primaires adopté par le Parti socialiste. Pourquoi?

Parce qu’il pose un double problème. De contenu, d’abord, puisque le Parti socialiste reste prisonnier d’une ligne « sociale-libérale » et d’une conception dépassée de l’Europe. Sur l’organisation de ces primaires, ensuite, ce que l’on appelle le « pacte de Marrakech » entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Khan, auquel s’ajoute son corollaire, « le pacte de Raspail », qui inclut Ségolène Royal, vide le projet de sa substance. Nous allons tout droit vers une compétition médiatique, arbitrée par les sondages. Dans ces conditions, il s’agit effectivement d’un simulacre de démocratie.

Comme le PRG (Parti radical de gauche), vous avez l’intention de présenter votre candidat à l’élection présidentielle de 2012? Pourquoi?

D’abord, je tiens à préciser que le candidat républicain que nous soutiendrons ne sera pas forcément issu des rangs du MRC. Ensuite, la volonté de peser sur l’élection présidentielle de 2012 tient surtout à des raisons de fond. Il nous faut faire bouger les lignes, c’est fondamental. Nous vivons aujourd’hui sous la dictature de l’argent. Ce sont notamment ces taux de rentabilité extravagants réclamés aux entreprises, lesquelles ne peuvent satisfaire ces exigences et délocalisent l’emploi. Depuis le début des années 1980, nous avons perdu près de la moitié de nos emplois industriels. Il faut rompre avec cette dictature. Notre programme est de rendre confiance à la France, à sa jeunesse. Il s’agit de remettre l’exigence de l’emploi au premier plan et de refaire de la France un grand pays industriel et technologique.

Serez-vous ce candidat?

Je ne veux rien exclure aujourd’hui, mais il faut que les conditions nécessaires soient réunies, à commencer par l’existence d’un espace politique pour notre projet. Mais il faut pour cela que le débat politique de fond puisse être ouvert. Nous devons nous adresser au pays pour que les citoyens prennent conscience qu’un certain nombre de choix qui ont été faits dans le passé conduisent à la situation désastreuse de la France aujourd’hui. Il est temps de remettre la France sur la bonne voie, de lui rendre son avenir et de restaurer une éthique républicaine.

Une candidature de votre parti rappelle 2002 et la défaite au premier tour de Lionel Jospin. Ne pensez-vous pas faire courir un danger à la gauche?

Il ne faut pas être dupe de ces campagnes de défausse. Si Lionel Jospin n’a obtenu que 11% des voix chez les ouvriers en 2002, ça n’est pas la faute de Chevènement! J’ai défendu légitimement des orientations politiques différentes des siennes. Et depuis 2002, ma ligne politique n’a pas varié: sur l’école, la sécurité, l’Europe, la politique étrangère ou la République et la laïcité, mon discours est dicté par ce que je crois être l’intérêt de la France.

« Je me suis toujours battu dans l’intérêt de notre pays »

La semaine dernière, à l’occasion du 70e anniversaire de l’appel du 18-Juin, des sondages vous plaçaient, avec d’autres personnalités, dans la lignée politique du général de Gaulle. Quel sentiment en retirez-vous?

De la fierté. Je me suis toujours battu dans l’intérêt de notre pays et je pense que les Français le savent. Tous les choix que j’ai pu proposer pour notre pays, qui, à l’époque n’étaient pas majoritaires, apparaissent être aujourd’hui raisonnables: mon opposition à l’installation du capitalisme financier, à la première guerre en Irak ou à la déconstruction de la République. Celle-ci aboutit aujourd’hui par exemple, au triste spectacle offert par l’équipe de France de football en Afrique du Sud.

Selon vous, l’échec des Bleus participe à « la déconstruction de la République »?

Cet échec est le reflet, certes grossissant, des maux qui, malheureusement, rongent notre société actuelle: la puissance de l’argent, les inégalités, la grossièreté et l’absence de cohésion…

La semaine dernière toujours, Dominique de Villepin a lancé son mouvement, ouvertement gaulliste. Pourriez-vous vous reconnaître dans cette démarche?

Il y a des tonalités tout à fait sympathiques dans son discours, notamment en ce qui concerne la politique étrangère. En revanche, il ne propose pas un projet qui soit en rupture avec le capitalisme financier et avec ce que j’appelle « l’européisme », cette conception qui oublie que l’Europe est d’abord composée de nations. D’ailleurs, Dominique de Villepin conserve sa carte à l’UMP. Sa démarche sans doute tactique, stratégique. Il faut lui laisser le temps d’évoluer.

Votre nom circule pour réchauffer les relations franco-algériennes. Vous confirmez?

Je dois effectivement me rendre en Algérie pour deux conférences au mois de septembre prochain. Quand j’étais ministre de l’Intérieur, j’avais contribué à réchauffer les relations franco-algériennes (de 1997 à 2000, ndlr). J’avais pu notamment rencontrer le président Bouteflika, que je connais d’ailleurs depuis très longtemps – depuis 1962 très exactement, quand il était ministre de Ben Bella. Maintenant, mon déplacement en Algérie, par le biais d’institutions culturelles, s’effectuera à titre privé. A Alger, et peut-être à Oran, je rencontrerai des gens que je connais bien. Je suis attaché à l’amitié franco-algérienne, mais je ne suis porteur d’aucune mission officielle.

Source : www.lejdd.fr

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