J. Sapir : l’Allemagne est en position de faiblesse

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Finie la crise ? Allons donc ! L’économiste Jacques Sapir remet les pendules à l’heure : la stabilisation actuelle ne durera pas sur les marchés. Et contrairement à ce que l’on suppose, l’Allemagne n’est pas dans une position merveilleuse.

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Comment expliquer le comportement erratique des marchés, tantôt inquiets pour la dette et exigeant l’austérité, tantôt inquiets pour la croissance ?


Il y a plusieurs types d’opérateurs sur les marchés financiers. Certains opèrent sur les marchés des obligations et détiennent des dettes souveraines. Ceux-là craignent un risque de défaut de certains pays. D’où leur revendication d’une limite aux dettes des états.
D’autres opérateurs agissent, eux, sur le marché des actions. Eux s’inquiètent par rapport aux risques de récession et sont effrayés par les plans d’austérité. En réalité, les acteurs manifestent des préférences diverses sur les marchés et la hiérarchie des préférences qui s’exprime varie d’un moment à l’autre. Par exemple, un opérateur financier peut calculer la rentabilité de son investissement à un moment donné par l’ampleur du taux d’intérêt d’une monnaie donnée. A ce moment-là, c’est l’appât du gain qui domine malgré le risque. Mais à un autre moment, le même opérateur, inquiet par rapport à la solvabilité d’un emprunteur, fût-il  un état, souhaitera avant tout sécuriser son investissement. A ce moment-là, la sécurité l’emporte sur le gain. On notera que l’opérateur est rationnel dans les deux cas.

Assistons-nous à un retour à la normale sur les marchés ? Autrement dit, la crise est-elle derrière nous ?


Nous entrons actuellement dans une phase de stabilisation qui ne durera pas. D’abord, les plans d’austérité rencontrent de grandes difficulté d’application. En Espagne, l’adoption du plan Zapatero n’a été effective qu’à une voix de majorité et l’organisation fédérale de l’état espagnol permettra à certaines régions d’en refuser l’application sur certains points. Au Portugal, le plan a été refusé. En Grèce l’agitation reprend, notamment avec les mouvements de marins.

Ces points d’achoppement peuvent-ils à eux seuls relancer l’affolement des opérateurs sur les marchés ?

 Leur anxiété sera de toute façon nourrie par les engueulades franco-allemandes. Le Wall Street Journal a rendu compte des attaques d’Axel Weber contre la nouvelle politique de la Banque centrale européenne consistant à racheter les dettes publiques des états européens en difficulté, entrainant une réaction de Mario Draghi, de la BCE. Tout cela fait un peu désordre.

L’Allemagne ne dispose-t-elle pas des moyens de se faire entendre ?


Pas autant qu’on le suppose. La situation n’est qu’en apparence favorable à l’Allemagne. En brandissant des menaces contre les pays laxistes, Angela Merkel parle dans le vide. Aucun des Traités ne prévoit l’expulsion d’un pays de l’euro et l’adoption d’un dispositif permettant l’expulsion d’un pays exigerait une unanimité qu’elle aura du mal à obtenir. Par ailleurs, les Allemands sont très dépendants des autres pays européens pour leurs exportations. Elle serait la première victime d’un clash européen. Nous vivons une situation défavorable à l’Allemagne. C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que ses dirigeants parlent si fort.

 

* Axel Weber, président de la Bundesbank et futur patron de la BCE

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