« Mémoires d’outre-Gaulle »

Ils ne sont plus qu’une poignée, ceux qui peuvent se targuer d’avoir, dès juin 1940, rejoint le général de Gaulle à Londres ; participé, en 1942, à la légendaire bataille d’El-Alamein contre l’Afrika Korps du général Rommel ; et combattu, en 1944, au sein de la fameuse 2e DB du général Leclerc.
Aujourd’hui âgé de 87 ans, Yves Guéna est de ceux-là. Il en est fier et cela est plus que légitime. Pour autant, sa glorieuse jeunesse n’occupe que quelques pages dans le livre qu’il publie aujourd’hui. L’ayant déjà racontée dans Le Temps des certitudes (Flammarion, 1982), il a fait le choix, ici, de revenir sur une période de sa vie dont il ne s’était pas encore fait le mémorialiste : les années postérieures à 1969.

  •  Yves Guéna

51bJGSMqzkL__SS500_ Ils ne sont plus qu’une poignée, ceux qui peuvent se targuer d’avoir, dès juin 1940, rejoint le général de Gaulle à Londres ; participé, en 1942, à la légendaire bataille d’El-Alamein contre l’Afrika Korps du général Rommel ; et combattu, en 1944, au sein de la fameuse 2e DB du général Leclerc.

Aujourd’hui âgé de 87 ans, Yves Guéna est de ceux-là. Il en est fier et cela est plus que légitime. Pour autant, sa glorieuse jeunesse n’occupe que quelques pages dans le livre qu’il publie aujourd’hui. L’ayant déjà racontée dans Le Temps des certitudes (Flammarion, 1982), il a fait le choix, ici, de revenir sur une période de sa vie dont il ne s’était pas encore fait le mémorialiste : les années postérieures à 1969.

Pourquoi 1969 ? A première vue, cette année-là n’a pas marqué de grand tournant dans la carrière d’Yves Guéna. A cette date, le jeune résistant de 1940 était déjà un homme accompli : en 1958, il a fait partie du petit groupe qui, autour de Michel Debré, a rédigé la Constitution de la Ve République ; en 1962, il a été élu député de la Dordogne ; en 1967, enfin, il est entré pour la première fois au gouvernement, comme ministre des postes et télécommunications. Mais Yves Guéna, qui se définit comme « gaulliste de toujours et gaulliste pour toujours », reste convaincu que c’est en 1969 que les « Portes de la Gloire » se sont refermées. Et que la démission du général de Gaulle, après dix ans de règne à l’Elysée, a fait entrer la France dans « les temps ordinaires ». Avouant sa « nostalgie » pour les années 1940-1969, l’ancien compagnon d’armes de l’homme du 18- Juin dit d’ailleurs avoir hésité avant de se lancer dans le récit des décennies suivantes, qu’il a significativement baptisées le temps de « l’outre-Gaulle ».

En fidèle gardien du temple, Yves Guéna ne se prive pas de tacler les successeurs du Général qui ont osé toucher aux « fondamentaux » que sont l’indépendance nationale et la Constitution de 1958. Ainsi, il n’a toujours pas digéré la transformation de l’Assemblée européenne en Parlement élu au suffrage universel sous Valéry Giscard d’Estaing. De même, il continue de tonner contre le traité de Maastricht, dont il pense qu’il est « cousu de ce maléfique fil noir de la supranationalité ». Quant à la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans, décidée en 2000, il estime – ce qui n’est pas faux en théorie – qu’elle ne lève en rien le risque d’une cohabitation.

Maire de Périgueux de 1971 à 1997, député puis sénateur de la Dordogne pendant presque quarante ans, ministre des transports puis de l’industrie sous Georges Pompidou, président du Conseil constitutionnel de 1999 à 2004 puis de l’Institut du monde arabe de 2004 à 2007, Yves Guéna raconte avec une ironie distancée ce qui fait le quotidien d’une carrière politique comme la sienne : l’angoisse des heures qui précèdent un remaniement quand on tient à son maroquin, l’abattement des soirs de défaite électorale, mais aussi les chausse-trapes tendues par ceux que l’on tient pour ses plus proches alliés.

De ce point de vue, son récit – sans doute édulcoré – des débuts du RPR, quand Jacques Chirac était cornaqué par ce « duo » d’habiles manœuvriers qu’étaient Pierre Juillet et Marie-France Garaud, ne manque pas de saveur. En lisant les pages consacrées à l’évolution du mouvement gaulliste, on imagine qu’Yves Guéna avait en tête, en les écrivant, cette phrase de Charles Péguy : « Tout commence en mystique et finit en politique. »

Mémoire d’Outre-Gaulle

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51C0WB21XXL__SL500_AA300_ « J’étais en ce soir de 18 juin, résolu à quitter le pays avant qu’il fût occupé »
Yves Guéna, jeune engagé dans les Forces françaises libres, ancien Président de la Fondation Charles de Gaulle
« J’arrivai à Brest alors que la ville, surprise de sentir soudain l’approche de l’ennemi, était survolée par quelques avions allemands, recevait ses premières bombes et entendait claquer les canons anti-aériens de la marine. Mon père restait à Brest. Je partis avec ma mère et mon jeune frère dans la petite maison au bord de la mer, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de la ville, où nous passions chaque année les vacances d’été. C’est là que j’appris la demande d’armistice ; il y avait déjà en raison des événements, quelques estivants dans cette station balnéaire ; la première réaction autour de moi fut, je m’en souviens bien, l’incrédulité et, sinon le désir de résister, du moins le refus de cette lamentable issue. Le lendemain 18 juin, dans la journée, nous sûmes que les Allemands avaient dépassé Rennes. A la nuit tombée, je fus averti que les troupes anglaises et françaises – pour celles-ci, il s’agissait du corps expéditionnaire récemment revenu de Norvège – s’embarquaient pour l’Angleterre – donc qu’on ne défendrait pas l’extrême pointe de la Bretagne – et aussi qu’un général venait de lancer à la radio de Londres un appel à poursuivre la lutte. (…) J’étais en ce soir de 18 juin, résolu à quitter le pays avant qu’il fût occupé. (…) Je sautai dans un remorqueur de la marine commandé par un vieil officier marinier bienveillant et nous appareillâmes pour Ouessant. C’était le 19 juin 1940. »

Le temps des certitudes, 1940-1969  – Voir aussi

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