Réforme du régime des retraites

La réforme du régime des retraites devrait être, dans une démocratie apaisée, le dossier fédérateur des forces en présence : Gouvernement, partis politiques et organisations syndicales.

Le gouvernement a raison de vouloir débattre de tous les aspects du régime de répartition. Tous les acteurs sont sur la même ligne. Ce régime institué après guerre par le gouvernement du général de Gaulle doit être sauvegardé. Dans ce cas, il n’y a aucun sujet tabou.

Nul ne peut ignorer l’allongement de la durée de vie et il est illusoire de penser conserver les durées actuelles des cotisations. Elles doivent évoluer, mais en prenant en compte la pénibilité des métiers exercés durant la vie professionnelle.

Par ailleurs, la piste tendant a réduire le montant des pensions de retraite est en fait une piste qui produirait des effets contraires à ceux escomptés. Les retraités sont des « consommateurs » favorisant l’économie.

Par contre, tout le monde a bien compris que le système perdurera si l’écart entre les recettes et les dépenses du régime est contenu. Les recettes proviennent pour beaucoup des cotisations des salariés eux-mêmes et des charges patronales.  A prendre avec précaution, le nombre de personnes sans emploi les impactant directement.

Les politiques, pour la plus grande part, ont omis de mettre la TVA sociale au cœur des discussions. Pourquoi, alors que le gouvernement Fillon l’avait évoqué en début de législature, puis abandonnée sous la pression des socialistes qui, manifestement, n’ont rien compris à l’affaire. (voir le dossier TVA sociale).

Je vous propose ci-après le point de vue du Président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale et celui, résumé, de la COR (Conseil d’Orientation des retraites), éléments indispensables au débat qui s’ouvre en ce mois d’avril et qui devrait, si l’on s’en tient aux prévisions gouvernementales, se traduire dans les mois à venir par un texte législatif.

Enfin, juste une réflexion sur les régimes particuliers des fonctionnaires et autres entreprises de service public (SNCF, RATP,…). Il faut créer un couple « régime spécial actuel » et « continuité du service public » ; le second garantissant le premier (notamment la règle des 6 derniers mois de rémunération servant au calcul de la pension).

Alain KERHERVE

 

Réforme des retraites : « De quoi être inquiet »

clip_image001

 

  • Le président de la commission des finances et député-maire PS de Villeneuve-sur-Lot s’exprime sur les retraites.

 

« Sud Ouest ». Votre entrée en matière sur le bouclier fiscal comme président de la commission des finances s’est faite sur un coup d’éclat ?

Jérôme Cahuzac. Il ne s’agit que du travail normal d’un député, de surcroît président de la commission des finances. Si contrôler le travail du gouvernement et veiller à ce que les politiques publiques soient évaluées c’est faire un coup d’éclat, j’accepte l’expression. Mais alors, tous les parlementaires qui font leur travail de contrôle font aussi des coups d’éclat.

clip_image002

Quel a été le résultat de l’audition de François Baroin et de votre visite au ministère du Budget ?

Pour le bouclier fiscal, trois enseignements peuvent être tirés.

Le bouclier fiscal ne protège pas les revenus du travail, mais ceux de la rente. Cette disposition ne correspond donc pas à la promesse du président de la République de revaloriser le travail. Ensuite, le bouclier ne concerne qu’une infime minorité de nos concitoyens puisque moins de 0,01 % des Français en profitent, en se faisant rembourser des sommes considérables. On sait aujourd’hui que les 100 premiers bénéficiaires du bouclier se font rembourser par le fisc 1,81 million d’euros en moyenne chaque année. Et une grosse dizaine se font rembourser, en moyenne et chaque année, 7,7 millions d’euros. Enfin, le bouclier était présenté comme un élément de la concurrence fiscale à laquelle, paraît-il, notre pays ne peut se soustraire. C’est un échec de ce point de vue. L’émigration fiscale continue et le retour des exilés se fait attendre. En effet, les chiffres qui nous ont été communiqués sur ce point sont au mieux dénués de signification, au pire décevants pour les défenseurs du bouclier fiscal.

Après cette entrée en matière à la commission des finances, quelle est la suite de votre programme ?

C’est l’actualité institutionnelle qui va le dicter. Nous serons saisis d’un projet de loi sur la régulation financière et bancaire. Ce projet sera l’occasion de faire le bilan du discours de Toulon fait par le président de la République, en fin d’année 2008, au début de la tourmente financière. Des engagements très forts à l’égard des banques, de leurs dirigeants, des traders avaient été pris et nous aurons donc à juger si ceux-ci ont été tenus.

Au sein du PS, vous avez participé à la convention sur la politique économique et financière. Quelles sont vos propositions ?

J’ai été, avec Didier Migaud avant qu’il ne soit nommé premier président de la Cour des comptes, l’auteur du rapport sur les nouvelles politiques budgétaires et fiscales. Nous avons proposé la fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de la prime pour l’emploi de façon à avoir un grand impôt sur le revenu avec une assiette plus large et une progressivité qui concerne l’ensemble de la fiscalité sur les revenus. Nous préconisons aussi un prélèvement à la source de cet impôt, évitant l’envoi de millions de formulaires.

Concernant les entreprises, nous proposons un impôt sur les sociétés qui serait modulé selon que les bénéfices seraient réinvestis dans l’entreprise, affectés à la politique salariale ou distribués aux actionnaires. Dans ce dernier cas, le taux serait plus élevé que dans les deux autres.

Sur la réforme des retraites, vous aurez votre mot à dire, puisqu’elle passera par une loi ?

Le premier objectif est de préserver le système de répartition, c’est-à-dire le pacte de solidarité entre les générations. Pour cela, chacun sait qu’il faudra consacrer une part plus importante de la richesse nationale aux régimes de retraite.

D’ores et déjà, il y a de quoi être inquiet. Les retraités agricoles ont des retraites qui les mettent sous le seuil de pauvreté. Et les deux tiers des femmes qui prennent aujourd’hui leur retraite ont un revenu égal ou inférieur à ce même seuil de pauvreté. La deuxième priorité, c’est de garantir aux salariés un niveau de retraite qui soit un pourcentage connu de leur dernier salaire. Comment demander sinon aux salariés des efforts supplémentaires, s’ils ont le sentiment que leurs efforts pour leurs anciens ne seront jamais pris en compte ?

Et l’âge de départ ?

Il faut distinguer deux choses : l’âge légal auquel un salarié est en droit de partir en retraite et celui auquel il décide de le faire. Je suis opposé à modifier l’âge légal, car tant que la pénibilité de certaines professions n’a pas été reconnue, c’est le seul moyen pour protéger les salariés les ayant exercées. D’autant que ceux-là ont commencé leur vie professionnelle très tôt.

Et puis, il y a l’âge auquel le nombre d’années cotisées permettant une retraite à taux plein est atteint. L’espérance de vie augmentant, il ne serait pas choquant d’augmenter aussi le nombre de trimestres cotisés ouvrant droit à une retraite à taux complet. Mais en préalable, il faut des garanties sur l’emploi des seniors. Sinon, il y aura de plus en plus de retraités pauvres ou très pauvres.

Êtes-vous favorable à des prélèvements fiscaux pour financer les retraites ?

Le président de la République a indiqué qu’une partie de la population, la plus aisée, devait y contribuer. J’en ignore les critères et à qui le président pense. Il est resté très flou sur les détails de ce nouvel impôt.

Êtes-vous d’accord sur son principe ?

La seule réforme acceptable serait une réforme équilibrée, qui ne demanderait pas tout aux salariés.

 

Les chiffres du COR sur les retraites ne sont « ni alarmistes, ni lénifiants »

 

clip_image003

 

  • Le président du Conseil d’Orientation des retraites juge en ces termes le besoin de 115 milliards d’euros par an en 2050 pour le système des retraites en France.

Raphaël Hadas-Lebel, le président du Conseil d’Orientation des retraites (COR) (AFP)

Les chiffres du Conseil d’Orientation des retraites (COR) présentés mercredi 14 avril ne sont « ni alarmistes ni lénifiants », a jugé Raphaël Hadas-Lebel, le président du COR, confirmant au passage les projections financières déjà largement éventées dans la presse.

Le COR, après réunion de ses membres dans la matinée (partenaires sociaux, parlementaires, experts, représentants de l’Etat), a validé les chiffres connus depuis mardi, faisant état d’un besoin de financement pour les retraites en France atteignant dans le scénario le moins favorable près de 115 milliards d’euros par an en 2050.

« Nous n’avons voulu être ni alarmistes ni lénifiants », a dit Raphaël Hadas-Lebel, expliquant avoir « écarté les scénarios dits repoussoirs, [car] nous ne cherchons pas à fabriquer des épouvantails ».

Le Medef a reproché au COR, dont il est membre, de n’avoir pas inclus un scénario avec un taux de chômage à 9%. Dans le scénario le moins favorable du COR, le taux de chômage est à 7% et à 4,5% dans le plus favorable.

  • « La crise a conduit à un creusement rapide et accéléré du déficit »

Interrogés sur les réserves des syndicats sur les scénarios à long terme, Raphaël Hadas-Lebel a concédé qu’il y avait « beaucoup d’incertitudes sur le long terme », c’est-à-dire au-delà de 2024, mais que sur le court et le moyen terme, les chiffres du COR étaient des prévisions « sérieuses ».

Selon le COR, le besoin de financement du système de retraites, tous régimes confondus, varierait dans une fourchette comprise entre 71,6 et 114,4 milliards d’euros à l’horizon 2050 en l’absence de réforme, en fonction du scénario économique retenu.

La fourchette de déficit va de 38,3 mds à 40,3 milliards d’euros en 2015, de 40,7 milliards à 48,8 milliards en 2020 et de 56,3 à 79,9 milliards en 2030, toujours selon le scénario retenu, où les variables sont notamment le taux de chômage et la progression de la productivité.

« La crise a conduit à un creusement rapide et accéléré du déficit », a expliqué Raphaël Hadas-Lebel, soulignant que « l’élément nouveau » par rapport aux projections de 2007, « c’est que ce n’est pas un défi de long terme, mais que c’est un défi immédiat« , la crise ayant accéléré les déficits. « Notre ambition est de permettre à tous les acteurs de prendre la mesure de ce double défi que le pays doit aborder, celui de la démographie et celui de la crise », a-t-il poursuivi.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*