Alain Minc lui aura coûté cher, à Sarkozy !

 

alain-minc  par JEAN-FRANCOIS KAHN

Micmac généralisé à propos de la suppression de la pub à la télé, de la privatisation de la régie publicitaire de France Télévision au profit de Stéphane Courbit et de la nomination par le président soi-même de son copain Alexandre Bompard (actuel patron d’Europe1) à la tête des chaînes de télévision publiques.
Or, derrière toutes ces décisions qui trouve-t-on ? Alain Minc ! On peut, d’ailleurs, élargir…
L’amplitude de plus en plus obscène des écarts de rémunérations et de revenus ? Le système Minc ! Ne fut-il pas, au sein du conseil d’administration de Vinci, l’organisateur protecteur des plus folles dérives qui permirent au morfal Antoine Zacharias de s’adjuger en quelques années ce qui aurait sans doute permis de créer des dizaines, sinon des centaines de milliers d’emplois ?
L’opposition perverse entre les concepts « d’égalité » et « d’équité » qui permit de revêtir des atours de l’équité toutes les remises en cause du principe républicain d’égalité ? Le système Minc, encore. L’idéalisation d’une « mondialisation heureuse », forcément heureuse, dont on refusa obstinément d’examiner l’état du moteur, c’est-à-dire sa dynamique de plus en plus immorale et irrationnelle ? Système Minc, toujours. La tendance à la diabolisation, à la « fascisation » des différences, l’utilisation systématiquement terroriste du mot « populiste » pour délégitimer l’autre à la façon stalinienne ? Système Minc. Ce qui n’empêcha nullement l’intéressé de se rallier, ensuite, au meilleur « populiste » de France.
La réduction dramatique du champ de la pluralité médiatique, que ce soit par l’engagement du Monde dans des aventures ruineuses qui l’ont gravement fragilisé ou par le conseil donné à Nicolas Sarkozy de nommer lui-même – et de démettre, si c’est nécessaire – les présidents des chaînes de télévision et de radio publiques ? Système Minc. L’arnaque effarante qui consiste à brader, pour une bouchée de pain, la régie de France Télévision à la société de pub (juge et partie, donc) d’un copain, personnel et politique, du chef de l’Etat ? Système Minc. La pression idéologique constante exercée sur la gauche sociale-démocrate pour l’amener à prendre les positions qui l’ont complètement coupée des couches populaires : système Minc. La formalisation de la notion effrayante de « cercle de la raison » qui permit d’exclure, pour « mal-pensance », des pans entiers de la population (ce qui eut pour effet de la rabattre, en partie, sur le Front National), mais, aussi, toute une fraction de l’intelligentsia, en conséquence de quoi l’opinion publique a fini par rejeter en bloc un monde intellectuel perçu comme homogène et rallié à l’ordre, ou plutôt au désordre établi ? Système Minc.
Ce règne, dont on n’a pas fini de mesurer les dégâts, de la morgue et du dédain, cette confiscation du droit à l’expression légale par une caste souvent cumularde, ce divorce tragique de l’opinion d’avec ses médiateurs, cette impression psychologiquement déstructurante qu’avoir raison ou tort, avoir prêché le vrai ou le faux, n’a plus aucune importance dès lors que triomphent sans retenue les représentants de l’erreur… Conséquence du système Alain Minc.
Or, l’homme – un génie, admettons-le – qui non seulement symbolise la pensée unique mais, en outre, la revendiqua – la pensée juste doit être unique, affirma-t-il, au même titre que la loi de la gravitation universelle est unique – est devenu le conseiller numéro un d’un président qui disqualifie tous les arguments qui le dérangent en les qualifiant de « pensée unique » !
Il y a d’ailleurs plus « interpellant ». Cela : Alain Minc – quelle faramineuse intelligence, ma chère ! – s’est constamment trompé. Sur à peu près tout, et quasiment tout le temps. Le soir, le matin, à vêpres, à matines, quotidiennement, hebdomadairement, mensuellement, en noir et blanc et en couleurs, en vert et en pas mûr, à l’endroit et à l’envers, qu’il vente ou qu’il grêle, à voile et à vapeur : le plantage toujours. La gourance automatique. L’errance comme on se mouche. Les opérations ratées en boucle.
On a oublié, tant mieux pour lui, mais : l’Europe était condamnée à cette forme de « soviétisation » que l’on appelait, alors, la finlandisation ; le néocapitalisme financier global déboucherait sur la félicité universelle ; Chirac, en 1995, n’avait strictement aucune chance, ce pourquoi il convainquit Jean-Marie Colombani, alors directeur du Monde, d’embarquer dans la galère balladurienne ; l’Irak regorgeait d’armes de destruction massive ce qui justifiait une intervention américaine ; le krach financier de septembre 2008 n’était qu’une grossesse nerveuse.
On en passe et des meilleures.
A l’issue de cette succession de fiascos, de boulettes et de carambolages, quoi ? Rien. Ou plutôt si, une influence accentuée, une omniprésence démultipliée, les complaisances médiatiques presque généralisées et, enfin, l’apothéose, le statut quasi sacralisé de gourou à la fois officiel et occulte du monarque suprême.
On peut admirer, d’ailleurs, une si éblouissante réussite : la maîtrise décomplexée de soi qu’elle implique, cette capacité à tendre, sans angoisse existentielle, vers un but dont on constitue soi-même l’enjeu.
Mais, on est aussi en droit d’être effaré.

 

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