La dénucléarisation du Moyen-Orient

 

… comme solution à l’ambition nucléaire de l’IRAN ?

  • par Pierre PASCALLON

 

moyen-orient-guerre-iran A l’heure où le Président OBAMA a entamé, on le sait, une véritable « croisade » –le terme n’est sans doute pas excessif- pour la disparition totale des armes nucléaires de la planète, on en peut pas ne pas penser –pour contrer l’ambition nucléaire de l’IRAN- à la dénucléarisation du Moyen-Orient ; on ne peut pas ne pas envisager –on y pense forcément- lorsqu’on cherche à diminuer la menace de la prolifération nucléaire et –nous sommes bien dans ce cadre-, à la création, dans cette partie du monde, d’une « zone exempte d’armes nucléaires » (ZEAN) dont l’Assemblée générale des Nations Unies s’est attachée en 1975 à donner une définition : « territoire regroupant plusieurs ETATS qui dans l’expression libre de leur souveraineté décident d’établir par l’intermédiaire d’un traité une zone délimitée totale dénucléarisée ». On rappelle brièvement que l’idée de ces ZEAN a été au départ soviétique. En 1956, Moscou propose de limiter sinon d’interdire le déploiement d’armes nucléaires en Europe pour circonscrire l’installation –effective dès 1954- des premières bombes américaines sur le sol du Vieux Continent. L’idée va être reprise en 1958 par un député polonais Adam RAPACKI –on parlera du plan RAPACKI- qui proposera de constituer une zone dénucléarisée en Europe Centrale (Pologne, Tchécoslovaquie, …) comprise comme un territoire « tampon » entre les forces de VARSOVIE et celles de l’OTAN.

Il y a eu –en une vingtaine d’années environ- multiplication de ces zones exemptes d’armes nucléaires avec, pour chacune, un traité multilatéral : Amérique Latine et Caraïbes et Traité de TLATELOLCO en 1967,… Six ZEAN sont ainsi actuellement en vigueur concernant avant tout les pays de l’hémisphère Sud. Force est de reconnaître en effet que ces ZEAN ont beaucoup plus de mal à se mettre en place dans l’hémisphère Nord, en Europe, en Asie, … et au Moyen-Orient.

Le Moyen-Orient ? Depuis 1974, L’Assemblée générale des Nations Unies adopte chaque année une résolution demandant la création d’une ZEAN au Moyen-Orient. Ce fut encore le cas en octobre 2008. Pareillement, depuis quelques années, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) vote à son tour à son assemblée générale une résolution « appelant tous les Etats du Moyen-Orient à renoncer à l’arme atomique ». Et on sait que ce projet d’un Moyen-Orient militairement dénucléarisé est tout particulièrement soutenu par les Etats arabes de la Région : l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, … Récemment encore –les 29-30 septembre 2009- s’est tenue au Caire une conférence internationale pour envisager à nouveau l’éventualité de faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires. Comment y parvenir ? Il faut, pour ce faire, prendre en considération le cas de l’Etat hébreu qui est une puissance nucléaire de fait et le cas de l’Iran qui veut se dénucléariser. Et convaincre simultanément Israël de se défaire de son arsenal nucléaire et l’Iran de renoncer à s’en doter.

Est-ce possible ? On peut en douter.

· Et d’abord il est difficile d’imaginer convaincre Israël de renoncer à son arsenal nucléaire même si on parvient à l’assurer que l’IRAN ne se dotera pas du nucléaire militaire.

L’ETAT hébreu doit en effet impérativement se préoccuper de sa survie –dès lors que certains ne reconnaissent pas son existence quant ils ne souhaitent pas ouvertement sa disparition-, et comme tout ETAT, l’Etat juif doit assurer sa défense nationale, avec les instruments qui lui paraissent le plus adéquat pour se faire. Dans cette perspective, il est clair que l’Etat juif ne peut s’en remettre uniquement au conventionnel. En effet, l’étroitesse du territoire israélien, son absence de « profondeur stratégique » –pour reprendre une expression beaucoup usitée-, le rendent très vulnérable à une attaque conventionnelle conduite avec succès. Et il n’est pas dit qu’à terme TSAHAL –dont les récents conflits au LIBAN, à GAZA ont montré les limites- soit toujours capable, compte tenu de l’évolution des rapports de forces démographiques … et conventionnels dans la Région, d’assurer à ISRAEL une supériorité incontestée.

Le nucléaire militaire est donc bien pour TEL AVIV « sa » garantie indispensable, « son » assurance vie. ISRAEL peut-il donc vraiment dans ces conditions renoncer à son « ambigüité » sur le nucléaire militaire : « never confirmed or denied », reconnaître ouvertement, alors qu’il n’est pas membre du TNP (Traité de non prolifération), qu’il est en possession de l’arme nucléaire… et, à partir de là, accepter sa dénucléarisation ? Difficile on le pressent, de donner à ISRAEL des garanties –après s’être dessaisi du nucléaire… aussi fortes que la « garantie-assurance vie » apportée à l’Etat hébreu par son nucléaire. On a pensé -en contrepartie de sa renonciation au nucléaire- proposer à ISRAEL d’intégrer l’OTAN pour bénéficier des garanties apportées aux signataires par l’article 5 du Traité de WASHINGTON. Mais, comment ISRAEL peut-il être sûr que l’article 5 jouera en cas de guerre au Moyen Orient alors que l’on sait que les Etats-Unis comme l’Europe ont un intérêt vital à maintenir de bonnes relations avec le monde arabe ? Serait-ce vraiment différent dans le cadre d’un accord de défense bilatéral Etats-Unis – Israël qui comprendrait une garantie des américains en cas d’attaque nucléaire contre l’ETAT hébreu ?

· On ne voit pas davantage –ayant éventuellement obtenu l’accord de TEL AVIV- que TEHERAN puisse désormais renoncer de façon concomitante à son effort tendu pour se doter de la bombe.

L’IRAN ne veut pas en effet la bombe pour contrebalancer la puissance nucléaire israélienne : le programme nucléaire de TEHERAN n’a pas eu pour origine la bombe israélienne ; pas davantage au vrai l’IRAN n’entend se doter de la bombe pour détruire ISRAEL, TEHERAN sachant très bien qu’un offensive nucléaire contre TEL AVIV lui vaudrait des représailles mortelles. Les harangues du Président iranien pour rayer ISRAEL de la carte ont avant tout une finalité interne, le programme nucléaire iranien représentant pour le régime un sujet d’unanimité nationale, et de fierté.

Au vrai, TEHERAN veut la bombe pour pouvoir à l’avenir, quoi qu’il arrive, « sanctuariser » son territoire et afficher simultanément, sa puissance.

– La bombe pour sanctuariser son territoire ?

Les iraniens ont été traumatisés par leur conflit avec l’IRAK qui a laissé chez eux des traces très douloureuses : un million de morts et des milliers de personnes mutilées. Ils ont à cette occasion ressenti péniblement leur « solitude stratégique », TEHERAN étant convaincu que Saddam HUSSEIN avait lui bénéficié de la sollicitude des occidentaux alors qu’il devait lui se battre sans alliés dans un Moyen Orient hostile. Les iraniens sont donc convaincus qu’un tel conflit ne pourra pas se renouveler dès lors qu’ils possèderont la bombe nucléaire garantie de leur intégrité territoriale et de leur indépendance nationale.

– La bombe pour sanctuariser donc leur territoire et afficher, simultanément, militairement leur puissance ?

Il est sûr que la bombe nucléaire est pour aujourd’hui et pour demain encore l’expression militaire contemporaine de la force, du pouvoir, de l’invincibilité ; le « marqueur » de l’accès à la modernité et de l’ascension au statut de « grand ». L’IRAN, vieille nation de 3 000 ans, est à retrouver au Moyen Orient une position dominante ; elle est en effet dans ce cadre géographique le pays le plus peuplé et le plus éduqué, technologiquement en pointe, disposant d’avoirs financiers importants. Il s’agit bien pour elle, en se dotant de la bombe nucléaire, de confirmer sur le plan de la défense sa position de puissance démographique et économique majeure du Moyen Orient, en passe de rentrer dans le cercle restreint des « puissances globales ».

Au total –on espère en avoir convaincu- on a peu de chance malheureusement de persuader TEHERAN de stopper ses efforts pour se doter de la bombe dans le cadre d’une stratégie de dénucléarisation de l’ensemble du Moyen Orient qui va rester demain comme hier une solution irréaliste sinon impossible.

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