Nucléaire : une dissuasion partagée avec les Britanniques

 

  • On commence par l’intégration dans l’OTAN, on continue en mutualisant notre force nucléaire avec la FOST anglaise, puis l’USN et le tour est joué… La France perd son indépendance.

 

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Le quotidien britannique The Guardian affirme dans son édition d’aujourd’hui que la France a proposé au Royaume-Uni de partager entre les deux pays « la permanence à la mer » des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), ce qui reviendrait à faire partiellement dissuasion commune. Le quotidien cite un « responsable français » affirmant : « Nous avons évoqué l’idée de partager la permanence à la mer dans le cadre d’une discussion plus large concernant le partage des tâches de défense ». Une information confirmée de source gouvernementale britannique. Des discussions à haut niveau ont eu lieu entre Paris et Londres, depuis une rencontre entre Sarkozy et Brown en mars 2008.

Nous pouvons confirmer l’existence de ces discussions, mais pas leur contenu exact. Pour l’heure, les choses ne semblent toutefois pas aller très loin, en termes concrets. Les Britanniques le reconnaissent d’ailleurs, par la bouche de leur Premier ministre : « Nous nous sommes entendus sur un niveau de coopération qui sera, je pense, plus important qu’auparavant, mais nous garderons, comme la France, notre dissuasion nucléaire indépendante« . Evolution, donc, mais pas rupture.

La France est très demandeuse d’une coopération nucléaire avec la Grande-Bretagne, pour des raisons politiques et stratégiques. Paris redoute, par dessus tout, un abandon par Londres de sa propre force de dissuasion nucléaire. Le Royaume-Uni pourrait être tenté de le faire pour des raisons budgétaires (le coût énorme de l’Afghanistan) et politiques (le désarmement nucléaire souhaité par Obama). Pour l’heure, la seule composante britannique pourrait être réduite de quatre à trois SNLE, ce qui ne permet pas de garantir absolument une permanence à la mer.

Si Londres renonçait à sa dissuasion nucléaire, la France deviendrait ainsi la seule puissance nucléaire en Europe, une position assez inconfortable. Paris ferait sans doute l’objet de très fortes pressions pour suivre l’exemple anglais… Coopérer avec les Britanniques est pour les Français une manière de les amarrer à la dissuasion nucléaire.

Mais jusqu’où est-il possible d’aller ? Sans doute pas très loin : on n’imagine pas le président français donner l’ordre de tir à un SNLE britannique ! Ou inversement. D’autant que les systèmes de la Royal Navy sont très liés à ceux des Etats-Unis. Se répartir les patrouilles en temps normal, c’est-à-dire de « basse pression » dissuasive, hors de toute tension internationale ? Ce serait un tournant majeur dans la politique française, qui semble, pour l’heure, assez improbable. En effet, cela signifierait que la France abandonne la posture de présence permanente à la mer, qui n’a aucune interruption depuis 1972.

En revanche, il est possible de se parler et de se dire beaucoup de choses. Notamment en aidant les Britanniques à conserver un certain nombre de savoir-faire… sans l’aide des Américains. Ou d’éviter que nos sous-marins ne naviguent dans les mêmes eaux au même moment. On se souvient qu’en 2009, deux SNLE étaient entrés en collision en pleine mer. Il n’est donc pas inutile de se parler par dessus la Manche…

Source SECRET DEFENSE
Jean Dominique MERCHET/ libération

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