La France questionne le modèle Allemand

 

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Je ne suis pas le plus grand fan de Christine Lagarde, loin de là. Néanmoins, elle vient juste de poser une très bonne question en mettant en cause le modèle de développement non coopératif que suit l’Allemagne depuis une quinzaine d’années.

Le modèle du « passager clandestin »

Au début des années 90, les coûts salariaux de l’Allemagne étaient 25% plus élevés que le reste de l’Union Européenne. L’arrivée de la monnaie unique fixant irrévocablement les parités monétaires au sein de la zone, Gerhard Schröder a compris que son pays risquait de grandement souffrir de ce différentiel de coûts. Le pays a donc choisi sa compétitivité contre les salaires, qui stagnent puis 15 ans. Le Figaro rapporte ainsi que les coûts salariaux auraient progressé de 5% en Allemagne de 1996 à 2009 contre 35% en France, 45% en Espagne et 65% en Grèce.

Mécaniquement, les exportateurs Allemands ont fortement gagné en compétitivité au sein de la zone euro, ce qui a permis à l’Allemagne de considérablement augmenté son excédent commercial dans la zone car les autres pays ne peuvent plus dévaluer pour remettre les compteurs à zéro. Cette politique a une autre conséquence, une stagnation des salaires qui déprime la demande et la croissance (l’Allemagne a eu la plus faible croissance de la zone euro après l’Italie) et donc ses importations puisque la demande intérieure est atone, ce qui renforce plus encore l’excédent commercial.

Un cercle vicieux

C’est que l’euro a mis en place un cercle vicieux où celui dont les coûts salariaux évoluent le moins vite limite ses importations tout en dynamisant ses exportations au sein de la zone, du fait de la croissance plus vive de ses voisins qui ne compriment pas autant leur demande intérieure. En clair, il y a une immense prime à la compression du pouvoir d’achat et au moins-disant social du fait de la rigidité de la monnaie unique. Celui qui limite le plus les gains de pouvoir d’achat profite de ceux de ses voisins et empoche des excédents commerciaux grandissant, comme le montre l’Allemagne aujourd’hui.

C’est cela qui a fait dire à Christine Lagarde qu’elle n’est « pas sûre que ce soit un modèle viable à long terme pour l’ensemble du groupe ». Notre ministre de l’économie a bien raison car si chaque pays suit ce raisonnement, les pays européens vont faire une course à la désinflation salariale qui aura un puissant effet dépressif sur les économies européennes. Loin de promouvoir la croissance, l’euro promeut une déflation sans fin et une compétition féroce sur les coûts qui a été et sera un frein majeur sur la croissance du continent pour les prochaines années.

Christine Lagarde a raison de dire que le modèle Allemand n’est pas viable pour la zone euro mais elle oublie de dire que l’euro est la cause première de ce comportement. Le ver est dans le fruit : c’est l’euro qui pousse à des comportements non coopératifs et prédateurs.

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