La régionalisation pour dynamiter les Etats

 

 

1810690-2467208 Le principe de régionalisation en Europe va bien au-delà d’une simple réorganisation du vieux continent. En fait, il s’agit d’octroyer des pouvoirs politiques, économiques et financiers aux régions, ces dernières traitant directement avec les instances bruxelloises. Ce phénomène est dû aux volontés politiques allemandes qui ont su insuffler ces mesures dans le cadre de la construction européenne. Comme le rapporte le professeur en sciences politiques, Rudolf Hrbek dans la revue «Documents, revue des questions allemandes»: «Le point de départ de cette nouvelle série d’initiatives fut la résolution de la conférence des ministres-présidents d’octobre 1987 à Munich, où fut fixé comme objectif une Europe aux structures fédérales. Deux ans plus tard, les ministres-présidents des Länder créèrent un groupe de travail de leurs chancelleries d’Etat en lui commandant un rapport sur la position des Länder et des régions face aux développements futurs de l’Union européenne».
Tous ces travaux ont trouvé leur impulsion grâce à l’action du gouvernement du Land de Basse-Saxe en 1996. A l’époque, dirigé par le ministre-président Gerhard Schröder, le député socialiste du Land de Basse-Saxe, Peter Rabe, est à l’origine de l’élaboration de la recommandation 34 (1997) du CPLRE (Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux d’Europe). C’est ce document qui autorise une recomposition politique de l’Europe. Le principe en lui-même est simple. Il s’agit d’octroyer le maximum de pouvoirs aux régions, celles-ci traitant de plus en plus avec l’Union européenne (UE) au dépens des Etats. Dans cette construction, l’élément intermédiaire, en l’occurrence l’autorité nationale, est complètement court-circuité. Ce principe poursuit l’objectif de démanteler les Etats au profit d’une Europe des régions, plus exactement d’une Europe des eurorégions. La création de ces dernières consiste à mettre sur pied des entités territoriales rassemblant plusieurs régions de différents pays. C’est le cas de l’eurorégion Alsace/Pays de Bade ou encore Pyrénées/Méditerranée.
Cette politique conduit à déstructurer les Etats européens afin de les broyer. Il va de soi que des pays n’appartenant pas encore à l’UE comme la Suisse doivent tôt ou tard entrer dans la danse. Comme le rapporte René Schwok, titulaire de la Chaire Jean Monnet à l’institut européen de l’université de Genève, la Suisse subit déjà l’attraction de Bruxelles. Il souligne avec satisfaction que les lois suisses sont à près de 50% issues des directives européennes. Cette évolution est logique. En effet, compte tenu de la volonté de créer un bloc européen unifié selon un modèle unique, il s’avère nécessaire de faire rentrer tous les Etats dans le même moule dans tous les domaines. Les attaques du ministre allemand des finances, Peer Steinbruck, à l’égard de la Suisse entrent dans cette volonté de casser le particularisme bancaire suisse afin de mieux l’absorber dans un cadre régi par les mêmes lois.
L’objectif officiel qui consiste à faire la guerre aux paradis fiscaux est le prétexte pour essayer d’abattre un modèle qui échappe aux eurolâtres de Bruxelles. Dans cette volonté d’assujettir le modèle helvétique, Peer Steinbrück se garde bien de condamner la maison mère contrôlant la plupart des paradis fiscaux … la city de Londres. Comme c’est étonnant. Cette caractéristique est à relier à la volonté d’intégrer toute l’Europe à un vaste bloc euro-atlantique qui doit, théoriquement, voir le jour en 2015.
Dans cette immense restructuration politique, économique et financière, il est nécessaire d’uniformiser l’ensemble. N’oublions pas que des échéances importantes se présentent devant nous: l’effondrement du dollar qui doit être suivi de la création d’une nouvelle monnaie dont le nom n’est pas encore officialisé (amero ou dollar nord-américain). La création d’un bloc nord-américain politique, économique et militaire (North American Union) réunissant Etats-Unis, Canada et Mexique dans le cadre du Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité (PSP) doit voir le jour théoriquement en 2010.
Ce bloc devant s’associer à l’Union européenne afin de constituer en 2015 une «Union atlantique» pour reprendre l’expression du fondateur de la Paneurope, Richard de Coudenhove-Kalergi, doit impérativement contrôler les dernières niches fiscales et bancaires. Pour cela, la Suisse doit passer à la trappe et se fondre dans ce nouvel ensemble transatlantique destiné à constituer un pôle occidental unifié.

 

* professeur en relations internationales à l’Ecole Supérieure du Commerce Extérieur (ESCE)  

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