Le rêve européen de Jacques Sapir

 

laurentpinsolle Outre son texte sur la Grèce publié sur Marianne 2, Jacques Sapir a commis une très belle analyse des enjeux économiques actuels projetés vers la présidentielle. Yann en a publié l’intégralité sur son blog. Petite revue de ce texte passionnant et des ajouts très pertinents de Yann.

Une brillante synthèse économique

Jacques Sapir commence son texte par un tableau de la situation actuelle. Il relativise la grande peur de la dette aujourd’hui véhiculée par la plupart des médias. Il souligne que la situation de la France n’est pas si dramatique que cela, d’une part parce que le niveau de notre dette publique est comparable à la moyenne de l’euro-zone et ensuite parce que si l’on prend en compte les dettes privées, nous sommes alors les moins endettés. J’ajouterai en plus que l’Etat Français a beaucoup d’actifs…

Il poursuit par un rappel du creusement des inégalités en montrant l’envolée de la part des hauts revenus dans le total. Aux Etats-Unis, 1% des ménages touchent plus de 15% des revenus totaux. En soulignant que le salaire médian stagne, il démasque la réalité derrière la hausse du salaire moyen, à savoir que seuls les hauts revenus progressent. Cette stagnation s’explique bien sûr par l’ouverture commerciale vers des pays où les salaires ne sont qu’une fraction des nôtres.

J’y ajouterai, en reprenant Galbraith que c’est en partie ce creusement des inégalités qui est responsable des crises à répétition que nous vivons. En effet, en permettant une accumulation importante de richesse, cela créé un déséquilibre entre la demande et l’offre qui pousse la valeur des actifs à la hausse, et contribue à la formation des bulles que nous avons connues récemment. D’ailleurs, les phases de bulle correspondent très souvent aux phases de creusement des inégalités.

La révolution européenne

J’emploi le terme « révolution » à dessein car c’est ce que Jacques Sapir propose. Pour lui, la construction européenne agit davantage comme un outil d’asservissement des Etats au néolibéralisme, que ce soit par la force de l’euro ou l’ouverture des frontières. En outre, elle favorise les comportements de passager clandestin avec une Allemagne qui comprime ses coûts et sa demande tout en profitant de la demande des autres pays. Du coup, il propose une rupture radicale qui serait menée par la France.

Jacques Sapir propose donc une épreuve de force, qui n’est pas sans rappeler la politique de la chaise vide. Selon lui, la France doit provoquer un affrontement, sans hésiter à aller jusqu’à la rupture. C’est le seul moyen pour lui de la réformer radicalement. Il pense que même si nous sommes seuls au démarrage, « nous ne le resterons pas longtemps ». Il en dessine les contours : contrôle des mouvements de capitaux, retour aux monnaies nationales, protectionnisme commercial, contrôle des banques centrales.

Loin des querelles d’ego qui se dessinent, Jacques Sapir a le grand mérite de parler d’un fond qui a trop déserté le PS, l’UMP, le Modem ou les Verts. Mieux encore, la voie qu’il dessine est profondément gaulliste car elle remet le fait national et la politique au centre de tout, pour l’intérêt de tous.

Laurent Pinsolle (DLR)