Sarkozy débordé par ses éminences grises

 

  • Sarkozy a gagné en 2007 grâce à ses conseillers en communication, il est maintenant débordé par ces éminences grises qui ont pris une importance démesurée. Mais, comme le dit Reversus (Marianne2), l’échec tient surtout au hiatus grandissant entre discours et réalité des changements

     

sarkozy7 A l’occasion de la remise de la légion d’honneur à Dany Boon, le Chef de l’Etat a surpris son monde en rivalisant d’humour et de plaisanteries dès qu’il parvenait à se détacher de son discours. L’occasion de découvrir un autre Nicolas Sarkozy, moins vindicatif et, osons même le dire, beaucoup plus sympathique. Même si l’analyse de ses silences et de ses expressions du corps nous avaient déjà fait apercevoir un autre homme…

Finalement, cet évènement nous pousse à nous interroger sur la nature véritable de Nicolas Sarkozy : qui est-il vraiment ? Pensait-il sérieusement ce discours qu’il a prononcé à Dakar ? Est-il réellement convaincu de cet hymne à la terre qu’il n’a cessé de ressasser ? Le philosophe Merleau-Ponty affirmait à raison que « la pensée trame dans le langage, qu’il n’est pas un outil mais bien le lieu de la pensée». Mais ce raisonnement ne tient plus lorsqu’une personne compense son vide idéologique par la présence de conseillers en communication. Cette dépendance est aujourd’hui symbolisée par l’influence croissante du plus éminent d’entre eux, Henri Guaino.

Dans un très bon article qui lui est consacré dans le dernier numéro de Marianne, son ami William Abitbol affirme qu’il a rallié Nicolas Sarkozy car « il misait sur son absence de pensée ». En effet, Henri Guaino ne se contente plus de brandir sa plume lyrique, il cherche aussi à modeler Nicolas Sarkozy à son image. Mais le « conseiller spécial » du Président n’est pas le seul à murmurer à son oreille. Alain Minc, Claude Guéant, Nicolas Baverez se prêtent au même jeu. Ceci explique en partie le manque de cohérence du projet présidentiel, qui vogue désormais au gré des influences. En réalité, la seule boussole du sarkozysme, c’est l’opportunisme. Cette capacité parfois incroyable de passer instantanément du jacobinisme au colbertisme, du néo-conservatisme à l’interventionnisme, et enfin de l’atlantisme au souverainisme…

guaino_elysee Aujourd’hui cette stratégie de communication ne fonctionne plus car les conseillers de communication de Nicolas Sarkozy ont pris beaucoup trop d’importance. Jean-David Lévitte n’informe plus Bernard Kouchner, Patrick Ouart a fait tomber Rachida Dati et Henri Guaino se permet même de contredire le Premier Ministre. On assiste à une véritable « cacophonie » rendant illisible l’action gouvernementale. Les couacs en série (affaires Hortefeux, Mitterrand, Jean Sarkozy…) n’ont fait qu’accélérer le déclin de la parole présidentielle…

La victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 est avant tout celle d’une stratégie de communication et d’une remarquable analyse sociologique de notre pays. Le chef de l’Etat a réussi à faire croire à une majorité de Français que la réponse à leurs problèmes pouvait encore être politique. Son langage performatif, son style court et direct, sa propension à utiliser des verbes modaux (devoir, vouloir) a marqué une rupture dans l’histoire de la communication politique. Il s’est progressivement érigé en homme providentiel volontariste dont le dogme était : «tout est possible».

Son discours à Nantes le 15 mars 2007 illustre à merveille cette empreinte messianique : « Je refuse la fatalité, le renoncement, la démission. Je crois dans la volonté, dans l’énergie, dans la foi qui soulève les montagnes. » Il a toujours davantage misé sur le caractère des gens plutôt que sur leurs capacités de réflexion.

Nicolas Sarkozy a également rendu ses discours accessibles au plus grand nombre. Tout passe par la simplification, par des réalités souvent discursives et des amalgames portant à controverse. Pour créer un semblant d’unité, il ne peut s’empêcher de pointer régulièrement du doigt un adversaire qu’il désigne à la vindicte populaire. Nicolas Sarkozy a constamment recours à la stigmatisation, à l’opposition de deux Frances. Sa tactique : diviser pour mieux fédérer.

Le chef de l’Etat est avant tout le produit d’une époque, celle de l’hypermédiatisation. Durant des mois, il a dicté l’agenda médiatique et charmé par son activisme. Mais il aura fini par lasser la population. D’une part, parce que les résultats de sa politique sont très décevants – la crise de popularité qu’il traverse est sans doute à la hauteur des espoirs projetés en lui – d’autre part, ses excès médiatiques ont fini par « gaver » le peuple et n’engendrent plus qu’un phénomène de rejet.

Face à cette saturation de l’espace médiatique, l’opposition s’est trouvée un nouveau moyen d’expression sur lequel il n’a pas de prise : Internet. Victime d’une violente série de polémiques, Nicolas Sarkozy ne fait plus l’actualité, il la subit. Par le passé, les présidents de la Vème République ne s’exprimaient que de manière ponctuelle et créaient donc un sentiment d’attente. Aujourd’hui, comme le dit justement Jean-François Probst, « il s’invite tous les jours chez les gens », sa présence n’est donc plus une surprise.

Le phénomène de cour qu’il subit autour de sa personne l’empêche malheureusement de comprendre ces quelques évidences. Désormais il ne peut rétablir l’équilibre qu’en rompant avec cette stratégie d’«hypercommunication »…

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