Kouchner: après l’ouverture …

Bernard-Kouchner… la porte grande ouverte ?

Invité de la matinale de France Inter, Bernard Kouchner est apparu tendu au moment de s’expliquer sur le savon que lui a passé le président de la République suite à une interview sur l’Iran donnée au New-York Times. Se disant défavorable à un embargo pétrolier, il a démenti toute forme de brouille, évoquant une simple explication sur la question birmane.

Brouille ou pas brouille ? Même là dessus, il semble que l’Elysée et le quai d’Orsay ne soient plus sur la même longueur d’ondes. C’est dire l’ampleur de la discorde. Petit rappel des faits : selon certaines sources, après son intervention télévisée du 23 septembre, le président était à cran et a remonté les bretelles à son ministre des affaires étrangères. Nicolas Sarkozy aurait reproché à Bernard Kouchner une interview donnée au New-York Times. Ce dernier y exprimait son scepticisme à propos d’un éventuel embargo pétrolier sur l’Iran : « C’est un peu dangereux. Ce sont principalement les personnes pauvres qui seraient touchées. C’est une option que nous devons aussi étudier, mais ce n’est pas du tout celle que je préfère ».

Beaucoup plus intransigeant sur la question iranienne, le président n’exclut, pour sa part, en rien l’éventualité d’un blocus énergétique. Interrogé ce matin sur France-Inter, Bernard Kouchner, un peu tendu au moment d’aborder ce sujet, a expliqué qu’il s’agissait d’une simple discussion, confirmant par ailleurs que l’option de l’embargo n’avait pas sa préférence. L’Élysée a démenti « l’énervement présidentiel » mais admis des divergences entre les deux hommes sur le dossier iranien. Bref, la diplomatie française est divisée.

Pour preuve. Dans son discours au Conseil de sécurité de l’ONU jeudi, Nicolas Sarkozy avait prévu de plaider pour « des sanctions massives dans le domaine énergétique » contre l’Iran. La phrase n’a pas été prononcée afin d’éviter d’afficher au grand jour son désaccord avec Bernard Kouchner. Mais l’épisode illustre la dégradation des relations entre le président et son ministre des Affaires étrangères, alors que Bernard Kouchner apparaît de plus en plus fragilisé. Quasiment écarté des questions africaines au profit de l’avocat Robert Bourgi, on sait que Sarkozy s’en remet d’abord et avant tout à Jean-David Levitte, son principal conseiller en matière de diplomatie.
De la même façon, l’élection de Farouk Hosni à la tête de l’UNESCO avait vu le Ministre des affaires étrangères s’opposer pratiquement ouvertement à la cellule diplomatique de l’Elysée, acquise à la cause du Ministre de la culture égyptien, comme Nicolas Sarkozy d’ailleurs, du moins officiciellement.

 

Un retour de Juppé au quai d’Orsay ?

Kouchner a avoué à demi-mot exercer une fonction purement « consultative », lâchant dans un soupir « c’est évidemment le président de la République qui décide. Moi, j’essaye d’apporter une influence, une expérience qu’il m’arrive d’avoir », visiblement las de n’être jamais entendu. Le tout alors que la lettre Profession Politique se faisait l’écho la semaine dernière d’un possible retour d’Alain Juppé au ministère des affaires étrangères après les élections régionales. C’est bien toute la politique d’ouverture qui trouve ici ses limites. Si Nicolas Sarkozy a toujours prôné la liberté de parole au sein de son gouvernement. Pour ce qu’il en est de l’action, c’est bien plutôt en rangs serrés et on file droit…

Histoire de détourner l’attention, le ministre des affaires étrangères a laissé entendre que le différend portait non pas sur l’Iran mais sur la Birmanie sans donner plus de précisions.
Sur le site Arrêt sur Images, Daniel Schneidermann écrit « On n’ose pas croire que Sarkozy ait renvoyé Kouchner dans ses cordes, en lui rappelant sa casserole birmane (dans un rapport payé 25 000 euros, et financé par Total, Kouchner avait assuré en 2003 que le pétrolier français n’avait pas recours au travail forcé en Birmanie, contredisant ainsi les rapports de toutes les ONG sur le sujet) ». Effectivement, on imagine mal le président menacer un de ses ministres de lui ressortir certaines casseroles. Le tout en présence de journalistes.

Ou Sarkozy est très, très énervé, et cela en devient inquiétant ou la discussion portait sur les sanctions que l’occident a pris à l’égard de la junte birmane et dont les conséquences sont largement débattues dans les milieux diplomatiques. Soumis à des pressions financières depuis 20 ans, le régime birman n’y a jamais cédé. Une discussion portant sur l’éventualité d’un embargo pétrolier en Iran, Kouchner avançant l’exemple de l’échec birman pour défendre sa position, semble ici la thèse la plus probable.

Interrogé le quai d’Orsay n’a, pour le moment, pas répondu à nos questions.

  • Régis Soubrouillard (marianne2.fr)

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