Dominique de Villepin, mondialiste idéaliste (2/2)

 la-cite-des-hommes  La cité des hommes

  

Si les constats de l’ancien Premier Ministre sont étonnamment proches des partisans des penseurs alternatifs, l’analyse des solutions qu’il propose montre des divergences importantes…

L’idéaliste mondialiste

Si Dominique de Villepin parle de souveraineté nationale, ce livre révèle également son idéal de gouvernance mondiale. C’est ainsi qu’il parle de l’émergence d’une opinion publique mondiale, d’où le titre de son ouvrage. Pour lui, « certains clivages raciaux, sociaux, nationaux s’estompent pour faire face à de nouveaux antagonismes, économiques ou religieux par exemple. Les grands mouvements précipitent une prise de conscience collective et la nécessité de solutions communes ».

C’est ainsi qu’il voit « les contours d’une République (…), d’une entité commune, d’intérêts partagés qui imposent des décisions prises de concert, qui obligent à un accord sur les principes régulateurs, à l’échelle de la planète ». Cette cité-monde serait rendue possible par la mondialisation et il souhaite qu’elle soit plus humaine. Pour lui, « la mondialisation numérique a abolit l’espace », oubliant au passage les différences de langues et de cultures… Il appelle de ses vœux une véritable « gouvernance mondiale ».

Le « nouveau monde »

Dominique de Villepin a le mérite de traduire concrètement sa vision. Il propose notamment un élargissement du nombre de membres permanentes au Conseil de Sécurité de l’ONU au Brésil, au Japon, à l’Inde, à l’Allemagne et à un pays Africain (Nigéria ou Afrique du Sud). L’ancien Premier Ministre voit quatre piliers à cette nouvelle gouvernance mondiale : « la stabilité économique, la sécurité collective, la préservation de la planète et la réduction de la pauvreté ».

La gouvernance économique mondiale doit s’appuyer sur « une régulation plus forte du système financier international » et une réforme du système monétaire par la création d’une nouvelle monnaie de référence, pour remettre en cause « la domination du dollar ». Il propose que le conseil de Sécurité assure la gestion des crises, en coordination avec les organisations régionales. Et sur la pauvreté, il va jusqu’à proposer la « mise en œuvre d’une fiscalité internationale, assise sur la production globale ».

Sur l’Europe, le livre est souvent contradictoire. Il écrit que « la solidarité doit permettre de concilier le respect de la règle de l’unanimité » et dix lignes après « il faut développer les décisions à la majorité qualifiée ». Il prône un rapprochement avec l’Allemagne, du fait de nos « valeurs et intérêts communs, (à) faire valoir dans la réorganisation à venir de l’Europe financière ». Il plaide à la fois pour des coopérations interétatiques mais propose « l’établissement d’un gouvernement commun » et « une fiscalité européenne (…) pour augmenter les transferts à l’intérieur de l’Union et lui donner les moyens de l’action ».

Une nouvelle économie ?

Si le constat économique de Dominique de Villepin rejoint celui des économistes alternatifs (crises, rôle de la finance, inégalités…), ses propositions l’en éloignent. Dès la deuxième page, il parle des « pièges du protectionnisme », qu’il renvoie plus loin, cavalièrement et sans autre forme de procès à « l’autarcie » ! Néanmoins, il suggère des « protections qui permettent d’harmoniser le libre déploiement des intérêts privés avec l’intérêt national », notamment une « véritable politique industrielle ».

Sa vision des grandes entreprises surprend : « le contraste est saisissant entre des managers aux rémunérations exorbitantes et des ouvriers aux salaires toujours plus comprimés par la concurrence des économies émergentes. La crise devrait avoir raison de ce modèle désincarné ». On serait heureux de savoir ce qui lui permet de conclure ainsi… De même quand il affirme que les rentes conduisent immanquablement les entreprises au déclin. Sans doute à très long terme, mais pas à moyen terme.

Sa proposition de créer des « régulateurs mondiaux, encadrés par un mandat, mais indépendants des enjeux strictement politiques » montre sans doute une trop grande confiance dans les hauts fonctionnaires internationaux par rapport aux politiques, au moment même où beaucoup en reviennent, que ce soit pour la BCE (Paul Krugman, Frédéric Lordon…) ou le FMI (Joseph Stiglitz). Elle dénote également une méfiance vis-à-vis du politique bien surprenante…

S’il formule un diagnostic proche des penseurs alternatifs, ses propositions diffèrent, notamment sa volonté de transférer davantage de pouvoir à des échelles supranationales, souvent à des techniciens. Pourtant, ce sont de tels cadres qui nous ont dirigés dans l’impasse, comme il le souligne à l’échelle européenne…

 

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