Analepse en Var

par David Desgouilles –  

De nos jours, lorsqu’on veut évoquer un retour en arrière, en matières littéraire ou cinématographique mais aussi dans le langage journalistique, on parle de flachebaque.1 Pourtant, il existe un beau mot dans notre Langue : analepse.  

Quand on écrit sur un carnet invité de Causeur.fr, le fait d’être accusé d’être ringard ou réactionnaire glisse comme l’eau sur le plumage d’un canard. On assume très bien. Et parfois, la gourmandise nous commande même d’en rajouter une louche. En ce retour de villégiature varoise, le besoin s’en fait sentir. Parce que j’y ai revu mon vieil ami vigneron2 qui, en plus d’avoir contribué à mon véritable éveil politique il y a une dizaine d’années, a bien voulu m’autoriser à reprendre le nom de sa création la plus prestigieuse pour baptiser ce carnet politique. Ainsi, alors que je lui rendais visite, il a bien voulu me faire déguster ses nouveaux nectars, dont celui qui a pris le doux nom d’Analepse.

Et, effectivement, lorsqu’on trempe ses lèvres dans son verre analeptique, alors que les cigales chantent sur le bien nommé Domaine des Terres Promises, le retour en arrière nous est délicieux. On se retrouve à une époque où on n’avait privatisé ni les T, ni le P de PTT. On se rappelle l’époque encore moins lointaine où nous n’avions pas un président qui ne boit que de l’eau. Songez qu’à l’heure (entre une et deux heures de l’après-midi) où l’honnête vacancier déguste son Analepse bien abrité du soleil par l’avant-toit d’un cabanon, celui qui conduit notre vieux pays depuis deux longues années foule, imprudemment sous la chaleur torride, les jardins de Versailles.

Celui-ci a sans doute eu le mauvais goût de revêtir un maillot de corps siglé Nouillorc-Police-Département mais malheureusement pas de couvre-chef, ce qui nous aurait évité le psychodrame de la semaine. Sale époque, vous dis-je. Et besoin d’Analepse, pour oublier.

Besoin d’analepse, aussi, pour nous replonger aux temps bénis où l’Ecole ne mettait pas l’enfant-roi au centre du système, mais le Savoir. Où le Président consultait le Peuple lorsqu’il chamboulait la constitution du pays et où il quittait l’Elysée le lendemain midi lorsqu’un NON venait le sanctionner. Aujourd’hui, non seulement ce n’est plus le cas, mais on a poussé le vice jusqu’à annuler le vote du Peuple par celui de ses représentants. Sale époque. Besoin d’analepse, toujours, pour nous faire revivre le temps où notre pays était jaloux de son indépendance et refusait l’intégration dans le commandement de l’OTAN.

Mon excellent camarade Jérôme Leroy oppose souvent le Monde d’avant à celui d’après. Il devrait apprécier Analepse pour cette raison en sus de son goût prononcé pour les vins non soufrés3. J’ose espérer que notre secrétaire d’Etat à l’emploi Wauquiez en aura aussi très prochainement à sa table. Cela lui évitera sans doute de prononcer dix fois -pas moins, sans doute davantage- l’affreux mot “djob” dans une même intervention radiodiffusée en lieu et place de travail, emploi ou même “boulot”. Se la jouer langage branché pour faire jeune, c’est totalement improductif, monsieur le ministre. Parce que jeune, vous l’êtes déjà, ça fait donc ton sur ton. Et parce que l’emploi de l’idiome anglo-américain en matière d’économie, cela renvoie inévitablement à l’idée de précarité. Commencez donc par virer le mauvais conseiller en com’ qui vous a soufflé cette idée et, donc, buvez de l’Analepse, ou même de l’Abracadabrantesque, de l’Alibi ou de l’Apostrophe4. Assurément, cela devrait remettre les vôtres en place.

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  1. J’ai pris l’habitude de franciser tous les anglicismes. Il m’est ainsi déjà arrivé d’emprunter le lideur cher à Paul-Marie Couteaux ou le “auldescoule” de Jérôme Leroy
  2. C’est cette amitié qui est ancienne, pas l’ami !
  3. Message personnel à JL : il s’agit d’un blanc !
  4. Pour l’Antidote, attendez la cuvée 2009. Toutes les autres bouteilles, victimes de leur succès, ont trouvé preneurs

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