Elections européennes

myard_0090L’Europe épuisée 

  

A l’évidence, le grand projet d’après guerre de la construction européenne ne suscite plus l’enthousiasme des peuples : la désaffection gagne inéluctablement et la faible participation aux élections européennes partout en Europe le prouve, consultation après consultation.

Cette désaffection n’est en rien une divine surprise, n’est-ce pas le destin de toute idéologie humaine de naître, croître, stagner puis de décliner ? Le XX ème siècle a connu plusieurs exemples d’idéologies qui ont suscité la passion puis se sont brisées sur les réalités du monde.

Les causes du déclin de la construction européenne sont multiples. En premier lieu, et ce n’est pas un paradoxe, la construction européenne a réussi dans le domaine des échanges, c’est un fait. Nous sommes sortis du chauvinisme des économies de guerre dont le XX ème siècle a été l’expression la plus vive. Nos frontières sont ouvertes, la libre circulation des personnes, des biens est redevenue la règle, comme cela avait été le cas ou presque avant 1914. Ce succès est réel et doit être souligné.

Mais les peuples ont-ils vraiment le désir d’aller plus loin, dès lors que le concept d’Europe puissance passe obligatoirement par l’abaissement des Etats-Nations qui constituent la base même de leur identité collective et individuelle ? Le prix à payer apparaît beaucoup trop fort.

Au-delà de ce saut qualitatif refusé – même inconsciemment – par les peuples, il existe des raisons conjoncturelles à cette désaffection.

Comment demander aux Français de se passionner pour des élections européennes, alors que lorsqu’ils se prononcent négativement par référendum sur un traité constitutionnel, un traité quasi identique est adopté au Parlement, contre leur avis ?

Toutes ces raisons ne suffisent cependant pas à expliquer le déclin de la construction européenne dans l’opinion publique mais aussi chez un nombre croissant de politiques.

Le déclin de la construction européenne est structurel.

Le système européen a été pensé à un moment où le monde était bipolaire, partagé en deux blocs. L’objectif était de faire de l’Europe un troisième bloc. Or, la fin de l’URSS et la mondialisation ont bouleversé totalement ce moment de l’histoire. Nous sommes aujourd’hui entré dans l’ère des puissances relatives. Les intérêts économiques, touristiques, sociologiques et politiques des Français et des autres Européens ne sont plus exclusivement européens mais mondiaux. La globalisation transcende le concept même d’Europe qui s’est réduit à un enjeu régional.

Les principes de la construction européenne sont en réalité « décalés » par rapport au monde globalisé du XXI ème siècle.

Pourquoi reconstituer un bloc alors que les Etats européens se sont relancés à la conquête du monde, les entreprises françaises, allemandes, « jouent » le Brésil, l’Inde, la Chine (BRIC) et y cherchent des alliances? Bruxelles a d’ailleurs poussé à la roue, se faisant le champion de l’ouverture totale des frontières, abandonnant toute préférence communautaire au nom du slogan « gagnant-gagnant » qui a accru la désindustrialisation de l’Europe. L’Europe, par sa propre faute, a perdu toute identité commerciale, elle est devenue une sous zone de l’économie mondiale, sans écluse, tournant le dos à la conception originelle du traité de Rome fondé sur la préférence communautaire.

Alors que les grands concurrents de l’Europe pratiquent le protectionnisme sélectif ou total, l’Europe pratique le tout concurrence et le concept de politique industrielle lui demeure étranger.

Ajoutons à cela des dysfonctionnements internes au Marché unique engendrés par un élargissement trop rapide vers les économies des pays de l’Est qui tirent des avantages compétitifs considérables en raison de l’absence de protection sociale et surtout de monnaies faibles, ce qui provoque des délocalisations au sein même de l’Union. C’est le concept même de Marché unique, substitut du Marché commun, qui est en cause.

Ajoutons encore à cela un transfert massif à Bruxelles de multiples compétences – à partir de l’Acte unique de 1984 – qui alourdissent et paralysent la prise de décisions publiques. L’affaire de la TVA sur la restauration l’illustre parfaitement. La machine européenne est en train de mourir d’apoplexie sous le poids des 4000 directives et 100 000 pages d’acquis communautaire aux mains d’une technocratie autiste.

De surcroît, faire miroiter aux peuples « l’Europe puissance » relève de l’incantation. Comment croire que 27 Etats, bientôt 30, à forte identité nationale, conférant à l’Union une totale hétérogénéité, pourront conduire une politique étrangère et de défense cohérente, active, qui nécessite des prises de décisions immédiates? Cela relève du mythe. Sans oublier que les 9/10ème de nos partenaires ont depuis longtemps aliéné leur volonté de défense, leur expression diplomatique dans l’OTAN, machine américaine !

Il faut se rendre à l’évidence, ce système européen est épuisé. Alors, que faire ?

Certains, emportés par leur lyrisme naturel, déclarent qu’il faut retrouver l’esprit des pères fondateurs. Esprit es-tu là ? Il est mort en réalité, et depuis longtemps, car il fut engendré par un moment de l’histoire. Il fut une réaction unique à une situation unique issue de la seconde guerre mondiale. Il est vain de croire qu’il reviendra, il n’y a plus de danger ni allemand, ni même soviétique.

Une révision déchirante de la construction européenne s’impose pour sauver désormais l’essentiel car si l’intégrisme européen ne répond ni à nos intérêts ni à la nouvelle donne mondiale, nous avons cependant besoin de coopération européenne. Le Traité de Lisbonne n’est pas une réponse au défi de la globalisation et de l’Europe car ce traité reste dans la logique du centralisme de ses prédécesseurs.

Il faut tout remettre à plat.

En premier lieu, les Etats doivent reprendre le pouvoir sur la Commission, notamment en matière de commerce international à l’OMC où elle n’en a fait qu’à sa tête, par exemple en bradant la PAC contre l’avis de la France et en pratiquant la dérégulation financière à l’origine de la crise mondiale. La manière dont la France a assuré la présidence de l’Union montre la voie de ce qui doit prévaloir.

En second lieu, l’Europe doit s’alléger et s’en tenir à l’essentiel avec quelques politiques qui concernent l’organisation du continent : des règles de concurrence et une politique industrielle, des règles pour l’environnement, une gestion politique de l’euro, la maîtrise des flux migratoires; les Etats retrouvant une totale liberté de coopérer sur des projets selon leur choix.

Seule une réorganisation de ce type, souple, flexible, respectant la subsidiarité sera de nature à répondre à nos intérêts qui dépassent largement l’isthme européen, car les défis ne sont plus en Europe, nos intérêts s’inscrivent dans le monde, particulièrement en Méditerranée, en Afrique et en Asie. En un mot, il faut passer le rêve européen à l’aune de la raison et des réalités.

Jacques Myard, député UMP
Président du Cercle Nation et République

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