Outrages à la Vème République

 

Nicolas Sarkozy président, François Fillon premier ministre, le gouvernement en place ; il ne reste plus que les législatives pour compléter le tableau institutionnel.

L’intronisation de Nicolas Sarkozy a confirmé une triple rupture : une nouvelle génération a pris le pouvoir (c’est naturel), le bilan chiraquien est mis au pilori notamment par son successeur (un coup bas !) et la Vème République vacille (un attentat !).Le Président n’est plus arbitre

Dans son célèbre discours à Bayeux le 16 juin 1946, le général de Gaulle précisait, en évoquant la trame de la constitution qui ne verra le jour qu’en 1958, les prérogatives du chef de l’Etat. « A lui l’attribution de servir d’arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil [ndlr : conseil des ministres], soit, dans les moments de grave confusion, en incitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine » précisait-il.

Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy clamait haut et fort : « Si je suis élu, je ne serai le Président d’aucun clan, d’aucun parti, d’aucune idéologie ».

En présidant le meeting électoral de l’UMP au Havre, Nicolas Sarkozy sort de son rôle institutionnel. S’il est naturel de rechercher une majorité législative qui le soutient, le Président dépasse les limites du supportable en se mêlant directement et étroitement à la campagne électorale en faveur d’un parti quel qu’il soit.

Du jamais vu sous la Vème République. Le premier ministre va encore plus loin

L’annonce du licenciement sec des ministres suite à un échec électoral personnel aux prochaines législatives est une nouvelle phase de la rupture avec la Vème république, donc avec le gaullisme. « La logique, c’est que quand on est battu, ça veut dire qu’on n’a pas le soutien du peuple et qu’on ne peut pas rester au gouvernement. D’ailleurs, c’est une règle que je m’appliquerai à moi-même puisque j’ai décidé d’être candidat aux législatives » précise François Fillon.

Le gouvernement est d’abord l’émanation de la seule présidence de la République. Il a pour dessein de mettre en musique la partition écrite par Nicolas Sarkozy, ce qui est conforme à notre constitution. Pour y parvenir, il doit, il est vrai, avoir le soutien de la majorité des députés, que cette majorité soit totalement identifiée et stable ou qu’elle soit spécifique à une action déterminée. Rien ne doit entraver la marche de l’exécutif, les ministres étant choisis pour leurs seules compétences à tenir un poste ministériel. Lier la composition du gouvernement à celle de l’Assemblée est une faute impardonnable. Elle l’est d’autant plus qu’elle est à mettre au débit de celui qui est présenté comme le chantre du gaullisme social, comme si le gaullisme était débitable en thèmes (social, France dans le monde, Europe…) alors qu’il est, au contraire, une synthèse globale et cohérente des valeurs fondamentales de la droite et de la gauche. De Pompidou à … de Villepin.

Il suffit pour s’en convaincre, de rappeler la courte histoire de la Vème République. Georges Pompidou a été le premier Ministre de Général sans avoir été, pendant très longtemps, un élu de la Nation. Cela a été également le cas de ministres qui ont laissé un souvenir impérissable dans l’esprit des Français : Malraux, Messmer[1], Couve de Murville, et tout dernièrement, Dominique de Villepin. De la part de François Fillon, cette nouvelle règle institutionnelle ressemble bien à un règlement de compte envers son prédécesseur à Matignon. Désolation ! Au risque de nous conduire tout droit au « régime exclusif des partis » que le général de Gaulle a toujours combattu.François Bayrou avec Nicolas Sarkozy.

La rupture se conjugue aussi au niveau de la politique européenne. Certes, Nicolas Sarkozy n’a jamais caché son adhésion indéfectible à l’Europe telle qu’elle est façonnée et imaginée par la classe politique actuelle, notamment depuis Maëstricht. Mais le Président de la République qui aspire à représenter la totalité des Français ne peut ignorer le « non » majoritaire au traité constitutionnel européen du 29 mai 2005 ; c’était hier, il n’y a que deux ans.

Le mini traité qu’il propose à nos partenaires européens et veut ratifier par la seule voie parlementaire n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît. La généralisation du vote à la majorité et la nomination d’un ministre européen des affaires étrangères sont particulièrement dangereuses pour l’indépendance de la France. Il est facile d’imaginer ce qu’il serait advenu de la position française dans l’affaire Irakienne si Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient été muselés par une position imposée par la majorité des membres de l’Union Européenne ; il est aussi douloureux de supposer les drames pour les familles endeuillées, à l’image bouleversante de ce qui se passe pour celles des soldats américains qui tombent actuellement en Irak. L’adhésion de François Bayrou à l’idée de ce mini-traité n’est pas de bon augure : son fédéralisme européen est à cent lieues de l’Europe des nations.

Un gaulliste authentique et libre ne peut accepter une telle atteinte à la souveraineté nationale !

L’avenir très proche nous dira si le Président ira dans cette direction les yeux fermés, ou si, au contraire, à l’écoute du peuple de France, il reviendra à une vision plus française de l’organisation européenne.


[1] Battu aux législatives en 1967, il reste ministre des armées du général de Gaulle.

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