Osons refonder et réformer le dialogue social !

Un récent sondage, rendu public en décembre[1] a montré que les trois principales préoccupations des Français touchent directement à leur vie quotidienne : pouvoir d’achat, chômage et couverture sociale.

Il est donc évident que ces thèmes seront particulièrement porteurs lors des prochaines campagnes électorales. Mais il en est un autre, transversal à ces trois points, qui pourrait non les supplanter, mais les accompagner : la question de la refondation et de la réforme du dialogue social.

Le syndicalisme et les rapports sociaux

Personne ne peut ignorer que le syndicalisme français, notamment celui qui a en charge les salariés du secteur privé, ne se porte pas bien, que les salariés eux-mêmes n’ont pas confiance, et qu’en conséquence il est impossible d’avoir dans notre pays un système de relations sociales efficace.

Alors que le Conseil économique et social et certains syndicats posent officiellement le problème, chacun de nous peut espérer que suite à la réflexion viendra le temps de la réforme du droit syndical. Mais cette chance attendue depuis 50 ans et qui, si nous ne la saisissons pas, ne se représentera pas d’ici longtemps, impose que soit posé le problème dans sa globalité.Pour une représentativité plus réaliste

Les syndicats français qui peuvent se constituer librement, faut-il le rappeler, et dont l’objet est bien défini par leurs propres statuts – défense des intérêts matériels et moraux des adhérents – n’ont aucune légitimité à représenter l’ensemble des salariés lorsqu’ils négocient en leur nom soit avec l’Etat, soit avec le patronat.

En effet, 8% des salariés (taux de syndicalisation) ne peuvent prétendre parler et agir au nom des 92% restants.

Il devient évident que le premier objectif de toute réforme doit aller dans le sens d’une meilleure légitimité, donc d’une définition réaliste de la représentativité.

Pour y parvenir, il est fondamental :

– de donner à tous les syndicats légalement constitués la possibilité de présenter librement des candidats au premier tour des élections professionnelles[2] ;

– de déterminer, à partir de règles simples, la représentativité de chacun, en prenant en compte le niveau où il exerce ses prérogatives (national, fédéral – métiers -, entreprise).Les prérogatives

Il convient, avant toute autre chose, de globaliser les populations prises en compte dans cette réforme. Que l’on soit salarié au travail, au chômage, en retraite, en maladie… les domaines d’intervention sont transversaux.

Tout en rappelant avec force et détermination qu’il appartient à l’Etat, donc à l’exécutif et au législateur, de fixer le cadre au sein duquel doit s’organiser la vie sociale, le monde syndical rénové doit prendre en compte ces différentes catégories. Elles doivent prendre part aux élections, participant ainsi au débat et à l’identification des organisations représentatives.

Néanmoins, l’orientation primordiale doit privilégier une relation sociale au plus près des salariés, c’est-à-dire au niveau de l’entreprise, en prenant en compte la dimension qui doit être pertinente avec le but recherché.

Pour autant, faut-il profiter de cette mise à plat pour simplifier l’empilement des diverses représentations des salariés (Délégué du personnel, comité d’entreprise, juridiction prudhommale…) en laissant, à partir des constats de représentativité, à chacune des organisations le soin de désigner ses représentants dans les instances ou institutions dans lesquelles elles doivent œuvrer ? C’est une piste raisonnable.La négociation et l’accord

Un accord est un compromis obtenu, après négociation, à partir de positions différentes, voire divergentes des acteurs.

Il doit s’appliquer à toutes les parties ; il engage, par la même occasion, l’ensemble du personnel et doit déboucher sur la paix sociale.

Pour y arriver, l’accord doit être majoritaire, c’est-à-dire paraphé par une ou plusieurs organisations syndicales dont la représentativité réellement mesurée dépasse 50% des salariés.

L’accord doit être, en conséquence, respecté par l’ensemble de la représentation du personnel. Dans la mesure où la réforme syndicale préconisée dans les points précédents aura été menée à son terme, ce préalable étant indispensable, toute grève devra être alors prohibée pendant la durée de l’accord sur les points ayant fait l’objet des négociations.Des syndicats acteurs sociaux et économiques

La lutte de classes est une notion périmée. A l’exception de certains dirigeants « mercenaires » de grandes multinationales, la plupart des patrons et les salariés sont sur la même embarcation. Leurs destins sont étroitement liés à la bonne santé de l’entreprise et à ses performances, ceci étant valable également pour les entreprises publiques.

Il s’agit bien d’une association des acteurs comme l’avait préconisé, toujours, le général de Gaulle :

« Condamnant l’un et l’autre de ces régimes opposés [le communisme et le capitalisme], je crois donc que tout commande à notre civilisation d’en construire un nouveau, qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l’entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d’être, pour sa part, responsable de la marche de l’œuvre collective dont dépend son propre destin. N’est-ce pas là la transposition sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l’ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ? » (Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, 1970).Décriée par des syndicats rétrogrades et politisés, mais aussi, et de façon encore plus systématique et tout autant idéologique, par le grand patronat, l’œuvre gaulliste inachevée doit être poursuivie.

Mais la participation ne peut pas être uniquement financière. Les salariés ont également un intérêt évident à s’investir dans un projet commun s’articulant autour de quelques points essentiels :

–  des syndicats réellement représentatifs prenant en compte les aspects économiques comme le préconisait le général de Gaulle par l’instauration des comités d’entreprise à la libération et la réforme rejetée lors du référendum du 27 avril 1969[3] ;

–  Une réelle concertation sur l’avenir de l’entreprise permettant ainsi à chacun d’identifier sa place et sa mission ;

–  Un projet social répondant aux souhaits légitimes des personnels et dont la mise en œuvre serait conditionnée à la réalisation des objectifs fixés ;

–  L’actionnariat donnant collectivement aux salariés pouvoir et devoir au sein de la structure ;

–  Et la volonté affirmée d’aboutir, à terme, à la copropriété de l’entreprise.Ambitieux programme…

… qui ne prétend pas résoudre tout. Mais ambitieux programme dont la portée serait significative pour établir de nouvelles relations sociales dans « ce cher et vieux pays ».

Il faut une volonté politique affirmée et une délivrance du carcan européen qui, soulignons-le, risque de nous être imposé par une nouvelle tentative fédéraliste, et cela en total déni démocratique du réflexe de bon sens des Français le 29 mai 2005.

 [1] Observatoire des acteurs du travail
Sondage effectué par téléphone par Ipsos pour l’Institut Manpower, LCI et « Les Echos », les 17, 18, 24 et 25 novembre 2006 auprès d’un échantillon représentatif de 968 salariés du secteur privé et du secteur public, et du 16 au 28 novembre auprès d’un échantillon représentatif de 408 chefs d’entreprise.

[2] Ce qui revient à abroger l’arrêté de 1966 donnant à 5 confédérations une « présomption irréfragable » (non contestable) de représentativité.

[3] Les forces de droite – VGE et l’extrême droite -, le patronat et les organisations syndicales avaient appelé à voter « non ». Suite au « non » majoritaire, de Gaulle quitte le pouvoir (Belle leçon de démocratie à méditer).


Lire sur ce sujet : Réinventer les relations sociales


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