L’accumulation devient indigeste, et…

…J’ai mal à ma France. 

L’affaire politico-médiatique Clearstream a pris le relais du CPE. La crise politique qui couve depuis plus d’un an se nourrit voracement des dysfonctionnements de nos institutions et du délabrement au sein de l’État :

  • Jacques Chirac n’est plus le leader politique comme le veut notre constitution : il se contente d’intervenir périodiquement sur les divers évènements, mais sans jamais les prendre réellement en compte. Une fin de règne bien pâle !
  • Le gouvernement n’arrive plus à mener sa mission : il subit. Plus rien ne se dégage à l’horizon d’une politique de la Nation qu’il ne définit plus. La solidarité gouvernementale, l’une des valeurs démocratiques de la Vème République, vacille. Il n’y a plus une journée sans que les médias ne nous abreuvent de « croustillantes amourettes » entre les mandarins des portefeuilles ministériels les plus prisés. Les médias sont aux anges.
  • Le parlement a cessé son travail de législateur au profit d’une passe d’armes digne d’une récréation excitée d’une classe du primaire.

A un an des échéances électorales nationales, personne ne s’y prendrait mieux pour détourner du débat et des urnes les citoyens les plus frileux et favoriser, ainsi, les tendances populistes les plus extrêmes de droite et de gauche[1].

 Il est nécessaire de revenir sur quelques points.

  • Il y a un an, la réponse du peuple français au projet de constitution européenne pour une Europe à structure fédérale et d’orientation ultralibérale a mis en échec le Président de la République et son gouvernement. Depuis, la très large victoire du Non n’a pas été prise en compte sur le moindre aspect. La seule réponse apportée est à mettre à l’actif du duo Sarkozy-Royal qui propose, pour l’après présidentielle de 2007, l’adoption du « cœur » du projet du traité de constitution européenne par voie parlementaire.
  • A l’automne dernier, la révolte des banlieues a, une nouvelle fois, révélé une « fracture sociale » de plus en plus évidente, sans qu’aucune solution n’y soit réellement apportée sinon les semailles non ciblées de quelques millions d’Euros que les contribuables devront financer.
  • Le CPE, au-delà de la légitime différence d’appréciation des sensibilités politiques et des manifestations qui ont émaillé cette période de contestation, a révélé une crise politique institutionnelle d’une envergure qu’il ne faut pas nier : les élites politiques, d’où qu’elles viennent « s’amusent » avec notre constitution. Pendant quelques jours, le pouvoir est passé du gouvernement à l’UMP, pure trahison de l’esprit et de la lettre de notre loi fondamentale.

Cette affaire Clearstream qui met en scène le couple majeur de l’exécutif, la « victime » a qui elle profite si on en croit les derniers sondages, l’institution judicaire, le monde des affaires et enfin, et surtout, les médias qui s’en abreuvent, nous pourrit la vie. Les Français vivent ce feuilleton printanier avec amertume et colère. Pauvre France !

Mais il faut résister à « la dictature de la rumeur et de la calomnie » comme le dénonce très justement Jacques Chirac. La justice est saisie, et elle doit, pour être efficace, opérer dans la sérénité, c’est-à-dire sans violation du secret de l’instruction[2] et en respectant la présomption d’innocence. Il lui appartient d’établir les faits et de dire le droit. Un cessez le feu général devrait être décrété entre les 3 acteurs : politique, médiatique et judiciaire. Ce vœu n’est-il qu’un rêve ?

Je ne serai pas de ceux qui, à chaque occasion, exigent le départ du Président de la République ou la démission du gouvernement[3], substituant ainsi la vindicte populo-médiatique aux règles républicaines. Le respect des échéances doit rester la règle pour tous.

Mais il convient de dénoncer, néanmoins, l’absence criante de moralité politique. Il appartient à nos élites de prendre leurs responsabilités face aux désaveux successifs. Comment peuvent-ils, dans ces conditions, gouverner encore la tête haute ; c’est la France qui encaisse aujourd’hui. A-t-on le droit d’en disposer ainsi ?

Le divorce entre les citoyens et le « personnel » politique se poursuit inexorablement… Le gouffre s’élargit comme l’avoue Michèle Alliot-Marie : « Il y a une rupture entre le citoyen et le politique ».

   L’accumulation devient indigeste, et … j’ai mal à ma France.
 


[1] Les sondages marquent une nette tendance en faveur de Jean-Marie Le Pen notamment.
[2] Alain Richard, ancien ministre socialiste de la Défense dénonce l’exploitation de « fuites » par les rédactions.
[3] Le Président de la République est le seul habilité à remplacer tout ou partie du gouvernement.

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