Europe : une vision différente

Oui, on peut faire l’Europe sans bâillonner la France.

Le texte de Pierre Lequiller (Secrétaire national UMP chargé des affaires européennes) paru dans « La Tribune » du 21 septembre 2004 est un plaidoyer en faveur d’une Europe de conception supranationale. C’est son droit, et nul ne peut le blâmer de faire ce choix. Et il l’assume.

Les arguments avancés sont maintenant connus de tous, mais l’essentiel consiste à l’affirmation gratuite de deux certitudes : ce projet de constitution est une avancée, la refuser promet le chaos total.

Cette « fédération d’Etats-Nations » comme aiment à qualifier la future Europe les supporters du projet présenté par Valéry Giscard D’Estaing se veut non fédérale dans son écriture, mais supranationale dans sa mise en Œuvre. D’ailleurs, en réponse au NON de Laurent Fabius qui souhaite toujours plus de supranationalité, Pierre Lequiller précise la règle du jeu. Dans le domaine de la fiscalité, notamment, exclue aujourd’hui de la règle de la majorité qualifiée, il ouvre une porte aux socialistes : « Et si on fustige le maintien de l’unanimité pour réviser la Constitution, on ne peut omettre que l’activation d’une clause passerelle permettra de passer de l’unanimité à la majorité qualifiée sans avoir à réviser la Constitution ». Merci pour les citoyens Français qui seront appelés à ratifier ce projet par référendum ! Ainsi, la règle de la majorité qualifiée deviendra rapidement la règle unique. Se soumettre ou se démettre, telle sera le dilemme posé aux Français quand les intérêts supérieurs de la France seront en cause.

Contrairement à ce qu’affirme Pierre Lequiller, dire non à ce projet constitutionnel n’interdit pas aux nations européennes de mettre en œuvre des politiques communes sur des sujets aussi importants et nombreux que ceux évoqués dans le projet. A-t-on attendu aujourd’hui pour édifier des politiques ou des projets communs. Les réussites sont nombreuses : politique agricole commune, Airbus, Ariane, etc. Elles sont à mettre à l’actif des Etats et non pas à celui de la structure tentaculaire de l’Europe.

Mais, à toujours vouloir défendre sans retenue, ses convictions, Pierre Lequiller va bien plus loin. Le Secrétaire national UMP chargé des questions européennes porte un jugement historique négatif sur l’échec de la C.E.D. (Communauté européenne de défense) en 1954. Parlant de l’arrogance française il précise : « Cinquante ans après sa responsabilité historique dans l’échec de la C.E.D., notre pays va-t-il à nouveau mettre un coup d’arrêt brutal à la construction d’une Europe politique ? » Cette position est un acte d’agression envers ceux qui, à cette époque, ont évité que l’Armée française soit mise en tutelle sous domination américaine. Cette position est une attaque frontale contre le général de Gaulle, contre les gaullistes d’hier, notamment contre Michel Debré guerrier impitoyable contre ce projet, contre les gaullistes de conviction d’aujourd’hui qui se battent afin de conserver l’indépendance et la souveraineté de la France.

Contrairement à ce qu’il affirme pour justifier le projet supranational, souhaiter une Europe différente n’est pas une arrogance française. Il s’agit aujourd’hui de préserver la France, de lui assurer la maîtrise de son destin, c’est-à-dire de ne jamais transférer (Mais accepter une délégation ciblée) une quelconque partie de sa souveraineté.

Pierre Lequiller tente de fossiliser la sensibilité gaulliste de l’UMP qui entend faire valoir des valeurs qui sont à l’opposée des siennes et de celles de ses amis de l’ex Démocratie libérale dont il est originaire ; mais il n’y parviendra pas. Pierre Lequiller rêve de ringardiser tous ces Français profondément respectueux de l’héritage gaulliste. Le message du général de Gaulle est limpide : Dans ses mémoires d’Espoir (1970), retiré des affaires, il trace les lignes essentielles de l’Europe qu’il conçoit : « Pour moi j’ai, de tout temps, mais aujourd’hui plus que jamais, ressenti ce qu’ont en commun les nations qui la peuplent. Toutes étant de même race blanche, de même origine chrétienne, de même manière de vivre, liées entre elles depuis toujours par d’innombrables relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu’elle en viennent à former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son organisation. C’est en vertu de cette destination de l’Europe qu’y régnèrent les Empereurs romains, que Charlemagne, Charles Quint, Napoléon, tentèrent de la rassembler, qu’Hitler prétendit lui imposer son écrasante domination. Comment, pourtant, ne pas observer qu’aucun de ces fédérateurs n’obtint des pays soumis qu’ils renoncent à eux-mêmes ? Au contraire, l’arbitraire centralisation provoqua toujours, par choc en retour, la virulence des nationalités. Je crois donc qu’à présent, non plus qu’à d’autres époques, l’union de l’Europe ne saurait être la fusion des peuples, mais qu’elle peut et doit résulter de leur systématique rapprochement. Or, tout les y pousse en notre temps d’échanges massifs, d’entreprises communes, de science et technique sans frontière, de communications rapides, de voyages multipliés. Ma politique vise donc à l’institution du concert des Etats européens, afin qu’en développant entre eux des liens de toutes sortes grandisse leur solidarité. Rien n’empêche de penser, qu’à partir de là, et surtout s’ils sont un jour l’objet d’une même menace, l’évolution puisse aboutir à leur confédération. »

Le non à la constitution européenne n’est, en fait, que la poursuite du combat mené par nos anciens. Ce combat n’était rien d’autre que l’opposition de deux conceptions de la construction européenne : l’Europe fédérale (ou supranationale) ou l’Europe confédérale; celle de Pierre Lequiller, c’est-à-dire celle de la Direction de l’UMP et du Président Chirac ou celle du Général de Gaulle, c’est-à-dire celle de la majorité des Français qui ne veulent pas perdre la maîtrise de leur destin.  

Alain KERHERVE

 

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