Le ventre mou de la République

 Le paradoxe du centrisme français

 

Le leader de l’UDF, lors d’une campagne présidentielle que l’on peut qualifier d’intéressante, s’est hissé là ou personne ne l’attendait. Ce score flatteur lui revient en totalité, les élections législatives ayant démontré par la suite le peu de notoriété et de son programme et de son parti : il a évité de peu, au même titre que le PC, la descente aux enfers.

Il est vrai aussi que les électeurs avides de clarté n’ont pas trouvé, dans un programme attrape tout, matière à envoyer à l’Assemblée nationale plus que le nécessaire de députés centristes.

Ce centrisme, « ventre mou de la République » d’après l’Académicien Maurice Druon, toujours enclin aux compromis, fussent-ils attrayants, a jalonné notre histoire contemporaine :

  • en 1942-1943, avec les Giraudistes qui voulaient et la libération de la France et suivre Pétain ;

  • à la libération, en contrant de Gaulle dans son bras de fer face aux Américains, bras de fer que le chef de la France libre mena avec succès pour nous éviter une occupation des alliés après celle des Allemands ;

  • en 1946, en refusant, en compagnie des socialistes, de donner les moyens à de Gaulle de gouverner réellement ;

  • en offrant ainsi la plus détestable des républiques à la France, 4ème de son nom, frappée d’instabilité congénitale et empêtrée dans deux guerres coloniales qui ont tant affaiblie la Nation.

On ne peut oublier non plus que la fameuse UDSR, première formation de François Mitterrand, fût centriste.

A vouloir « un peu plus de ceci, un peu moins de cela… » on aboutit à rien, sinon qu’à un peu plus de flou, d’hésitation, de faiblesse. Et même à un peu moins d’Europe comme il est utile de le rappeler, en ce mois de janvier 2003, 40ème anniversaire du traité Franco-Allemand torpillé par les centristes. Enfin, est-il besoin de préciser que le centrisme s’est toujours opposé au gaullisme : Lecanuet en 1965, Giscard en 1969 contre de Gaulle, Giscard en 1974 contre Chaban-Delmas…, Bayrou, aujourd’hui, chantre du fédéralisme européen.

François Bayrou, dont personne ne peut nier la sympathie qu’il dégage, ni les compétences qui ont fait de lui un ministre aussi capable que d’autres, serait bien inspiré de réfléchir à autre chose qu’à l’échéance présidentielle de 2007 qui demeure son seul objectif.

En juin 2002, il a tenté de transformer l’UDF en groupe charnière, au risque de créer les conditions d’une nouvelle cohabitation. Maintenant il critique, il s’isole, il dit résister, défendre la démocratie. Il peut plaire face à une UMP engluée dans ses contradictions et à un PS qui sombre dans le ridicule. Mais ceci n’aura qu’un temps et n’est pas bon pour la France. François Bayrou veut unir de Balladur à Delors tous ceux qui jouissent au son du « ni…ni ». Bientôt, en copinage avec le député socialiste Montebourg, il réclamera une 6ème république, clone de la feu 4ème.

Alain KERHERVE

 

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